Le 15h17 pour Paris, le plus mauvais film de Clint Eastwood

Le 15h17 pour Paris

de Clint Eastwood

Drame, Thriller

Avec Anthony Sadler, Alek Skarlatos, Spencer Stone, Judy Greer, Jenna Fischer

Sorti le 21 février 2018

Depuis trois films et son « édifiant » American Sniper, Clint Eastwood semble déterminé à livrer des portraits de héros américains qui se sont révélés dans des conditions extraordinaires. C’était le cas de Sully, son précédent film, lequel se montrait pour le coup plus subtil et assez intéressant dans sa construction et sa manière d’aborder temporellement et spatialement l’événement qu’il décortiquait (l’amerrissage réussi d’un avion de ligne sur l’Hudson à New York). C’est donc également le cas de ce 15h17 pour Paris, qui reconstitue la tentative d’attentat à bord d’un Thalys entre Bruxelles et Paris (le 21 août 2015), non sans avoir retracé de manière linéaire et appuyée l’enfance et le trip européen des trois jeunes hommes qui la déjouèrent.

Le film se divise en quatre parties, clairement délimitées : l’enfance des trois amis, leur vie de jeunes adultes et la préparation de l’un d’eux pour devenir militaire de métier, leur voyage en Europe, et enfin l’attaque proprement dite, déjà entrevue précédemment lors de quelques « flashforwards ». Cette construction extrêmement linéaire et sans reliefs est en soi rébarbative et ne joue pas franchement en faveur du film, mais c’est loin d’être le pire défaut de celui-ci.

Il est en effet difficile d’imaginer que Clint Eastwood ait accouché d’un film aussi unilatéralement et globalement catastrophique, même si son sujet ainsi que les récentes et inquiétantes propensions d’Eastwood à virer idéologiquement le plus à droite possible laissaient déjà augurer du pire. Si l’on pouvait d’ailleurs craindre que les prestations d’acteurs des trois « héros » jouant leurs propres rôles soient au mieux inégales, elles se révèlent plutôt honnêtes, dans un ensemble qui ne l’est pas du tout.

On ne saurait trop dire ce qui est le plus horrible dans ce nanar patriotique et propagandiste : la première demi-heure, retraçant l’enfance des protagonistes avec les trois enfants-acteurs les plus insupportables du monde ; le discours religieux, limite sectaire, sur la nature providentielle et quasi-divine des trois héros ; la vacuité du road trip européen des trois amis, aussi passionnant qu’une soirée diapo ; ou encore l’attaque finale, qui présente le terroriste comme un méchant d’opérette et recèle quelques-uns des dialogues les plus involontairement drôles entendus de longue date.

Un tel ratage fait presque du film une pépite, et celui-ci occupera probablement une place de choix dans une histoire alternative du cinéma, ne serait-ce que comme le plus mauvais film de son auteur, même si son potentiel « nanar » est encore difficile à cerner. En regard du sérieux de son sujet et de la difficulté à le dissocier de la vision nationaliste et évangéliste qu’il propose, le film reste – et restera probablement – plus une purge irregardable qu’un plaisir coupable risible et détournable.