The Lobster ou la figure dystopique

the lobster poster

The Lobster

de Yorgos Lanthimos

Science-Fiction, Drame, Comédie

Avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Jessica Barden

Sorti le 28 octobre 2015

Renommé pour la création d’univers déconcertants où la réalité se distord comme dans ses anciens succès tels que Dogtooth (2009) ou Alps (2011), Yorgos Lanthimos revient avec un nouveau film on ne peut plus biscornu. Suivant le même prototype scénaristique dans sa dernière œuvre, le réalisateur grec installe une société que l’on confond avec la nôtre pour les premières minutes du film après lesquelles le spectateur appréhende que le monde diégétique de The Lobster instaure des règles différentes.

Selon les lois de La Cité, les célibataires sont envoyés à L’Hôtel pour trouver un conjoint durant leur résidence de quarante-cinq jours. En cas d’échec, ils sont transformés en animaux et sont délaissés dans La Forêt. Pour faire gagner à ses clients des jours supplémentaires en tant qu’êtres humains, L’Hôtel organise de manière récurrente une prédation collective où les célibataires se chassent les uns les autres.

The Lobster constitue ainsi une critique des règles qui standardisent la société et obligent les hommes à faire partie d’un système réfractaire à l’individualité. Poussant l’absurdité à son paroxysme, le réalisateur met en image une figure dystopique vers laquelle nous migrons. Avec l’emploi de la distanciation, de la durée et de la froideur comme éléments de mise en scène, il objective le pessimisme qu’il ressent contre la ridiculisation de l’Amour.

À l’image dystopique qu’il évoque, le film hétéroclite évolue en digression totale. Lanthimos parvient à faire dévier le fil narratif de son film à plusieurs reprises, tendant toujours vers une courbe destructive qui vise l’auto-anéantissement de ses personnages. En s’amusant avec la structure du film, il parvient à surprendre le spectateur tout en lui proposant des éléments qui semblent, au deuxième abord, très logiques à suivre.

Malgré la diversité des personnages du film (celui qui bégaie, celui qui boîte, celle qui fait des biscuits, celle qui n’a pas de sentiments, etc), leur excentricité les joint. Une nouvelle poignée de personnages est introduite vers le milieu du film, dévoilant l’identité de la narratrice jusque lors inconnue. Lanthimos remet ainsi en question les principes classiques de l’exposition scénaristique et démontre que les règles sont faites pour être dépassées, quand leur destruction n’est pas gratuite, mais évoque la thématique abordée.

Avec une compilation d’acteurs émérites qui parviennent à rendre la dystopie plus intelligible, une musique marquante qui collabore à la création du malaise collectif, une approche intéressante du propos et une construction scénaristique hardie, The Lobster constitue un chef-d’œuvre d’éloquence convaincant.

A propos Patrick Tass 41 Articles
Journaliste du Suricate Magazine