Jyoti Verhoeff nous parle de son nouvel album « Touches »

Parmi les artistes qui inondent la toile, seule une poignée finit par rencontrer le succès. Certains font de la musique avec ce besoin de reconnaissance et pour flatter leur égo. D’autres juste par passion, une passion qui est sincère et qui leur permet de transmettre une émotion au travers de leur art. Ils finissent tôt ou tard par acquérir un public loyal et passionné et profitent de cet échange mutuel sans en attendre davantage.

C’est le cas de Jyoti Verhoeff, une artiste venue des Pays-Bas que nous vous avions présentée il y a quelques mois.

Née avec trouble visuel qui la rend presque aveugle, Jyoti a appris à appréhender le monde qui l’entoure différemment. Elle a énormément développé son sens auditif et a appris le piano qui est devenu son instrument de prédilection.

Cette année, elle sort un nouvel album intitulé Touches : I Speak With My Mouth Shut. Un album dans lequel, pour une fois, elle ne chante pas. Alors que l’on pourrait s’attendre à quelque chose de lourd ou ennuyeux comme c’est souvent le cas dans les albums instrumentaux, Jyoti parvient à capter notre attention dès les premiers instants et à nous transporter dans son monde. Cet album est d’autant plus particulier que chaque chanson est saupoudrée de divers sons que l’on peut découvrir au fur et à mesure de l’écoute et qui singularise et magnifie davantage les treize titres.

Nous sommes allés à la rencontre de Jyoti Verhoeff afin qu’elle nous parle de Touches plus en détail.


Comment avez-vous appris la musique et êtes-vous finalement devenue musicienne ?

Du fait que je suis née avec un trouble de la vision, j’ai grandi en écoutant le monde qui m’entourait. D’aussi loin que je me souvienne, la musique a toujours fait partie de moi. Le fait d’entendre la mélodie du vent, les voitures,… bref, tout ce que la vie peut produire comme sons au quotidien se transmettait en moi comme s’il s’agissait d’un véritable orchestre. Quand mes parents m’achetèrent un piano, j’ai commencé à improviser et à traduire sur celui-ci tout ce que j’entendais autour de moi. Je me suis sentie à la fois heureuse et frustrée car je ne pouvais jouer en même temps toutes ces choses que j’entendais. Je suis tombée amoureuse de cet instrument et j’ai donc appris à en jouer par moi-même, sans jamais suivre de cours de musique.

Vous avez une façon d’écrire et un style particulier. Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Je m’inspire de tout ce qui m’entoure et surtout de la nature. Par exemple, j’adore trouver des chansons en promenant dans la forêt. Je n’ai pratiquement jamais écouté d’autres genres musicaux car j’ai déjà une multitude de choses en moi et autour de moi. C’est pourquoi j’apprécie aussi le silence.

Vous avez sorti votre premier album en 2012. Comment avez-vous su que c’était le bon moment pour vous dévoiler en tant qu’artiste et présenter votre musique au public ?

Finalement, j’étais contente que cela se produise. J’avais si peur ! Pendant des années, je n’osais partager mes compositions avec personne. Je me sentais vulnérable, voire nue, et j’étais certaine que cela me tuerait. A un moment de ma vie, j’ai perdu une amie très chère qui avait un cancer des os. Le fait que sa vie soit stoppée de façon si soudaine me conforta dans l’idée que ma vie ne valait la peine d’être vécue que si j’avais l’audace de suivre ce que mon cœur et ma passion me dictaient. J’ai donc commencé à partager ma musique tout en conservant une certaine peur au début. Puis, je pris confiance peu à peu en me disant qu’au moins, je suivais mon cœur.

Vous avez collaboré avec beaucoup d’artistes aussi bien sur vos disques que lors de vos prestations scéniques. Comment choisissez-vous ces personnes ?

Et bien tout cela est souvent le fait du hasard et de ma bonne fortune. Par exemple, en ce qui concerne ma productrice, Fieke Van Den Hurk, c’est quelqu’un que j’ai rencontré sur internet. Je n’ai vu qu’une image d’elle et mon cœur s’est mis à chanter. J’ai tout de suite su que je devais la contacter et je suis heureuse de l’avoir fait. C’est quelqu’un avec qui il est très agréable de travailler et on a fait vraiment des choses superbes ensemble sur le nouvel album.

A ce propos, parlons de ce nouvel album : Touches. Il s’agit d’un album assez particulier. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’approche que vous avez souhaité avoir sur ce disque et comment êtes-vous arrivée à ce résultat sonore ?

Oui, en effet, il est assez particulier par rapport aux autres étant donné que c’est un disque entièrement instrumental. Il n’y a pas de chant et tous les sons ont été créés à l’aide de divers instruments à clé. Mais lorsqu’on l’écoute, une simple note peut se développer en prenant diverses dimensions jusqu’à un son électronique et doux, dont on imagine difficilement qu’il provient d’un instrument acoustique à clé. C’est pourtant le cas pour tous ces sons.

Avez-vous changé votre méthode de travail pour cet album ? 

Pas vraiment. La seule chose qui était différente pendant le processus de création, c’était ma grossesse et la naissance de mon fils qui m’ont aidée à créer ces chansons.

Qui vous a inspirée pendant la réalisation de cet album en particulier ? 

Mon amie et productice Fieke était vraiment une bonne source d’inspiration et bien entendu, mon fils Jonah. Fieke et moi avons décidé de travailler un concept qui questionne la manière dont on communique avec des mots.

Comment décririez-vous le style musical de vos chansons ?

Je pense que c’est de nature très cinématique et que cela parle à chacun de nous. Les gens me disent souvent qu’ils voient des images (un peu comme des films) en écoutant ma musique. C’est dès lors quelque chose qui conviendrait parfaitement à une musique de film ou de documentaire.

Est-ce que vous souhaitez délivrer un message, raconter une histoire dans vos chansons ? Ou, est-ce que vous préférez que les gens aient leur propre interprétation de l’œuvre ?

J’aime les deux. J’adore travailler sur des concepts forts avec des messages forts quand je crée un nouvel album. Mais en même temps, j’aime la liberté qu’offre la musique et le fait qu’elle ne nécessite aucune analyse ou explication. La musique est en soit une forme pure de communication entre nos âmes. Et c’est impossible à décrire en quelques mots. Et puis finalement, la musique est une expérience personnelle qui est sujette à l’interprétation de chacun.

Quels sont vos projets pour les prochains mois ?

Il y a bien entendu quelques concerts pour célébrer ce nouvel album. Et puis, je suis impatiente de chanter à nouveau. Et donc, je suis occupée sur deux nouveaux projets. On verra lequel sera prêt en premier.

Pour vous procurer ce disque et suivre l’actualité de Jyoti Verhoeff, rendez-vous sur son site : www.jyotiverhoeff.nl

A propos Christophe Pauly 485 Articles
Journaliste et photographe du Suricate Magazine