Zidani : « Il n’y a pas de grand ou de petit destin, il y a des histoires d’êtres humains finalement »

Zidani rejoue son spectacle Retour en Algérie, voyage vers sa terre paternelle dans une quête d’identité, une tentative de renouer avec ses racines…

Ce spectacle autobiographique est inspiré par l’histoire familiale de Zidani, belge par sa mère et algérienne par son père, qui est allée à la rencontre de sa famille paternelle et à la découverte de ses origines à quarante ans.

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Votre spectacle Retour en Algérie a été créé en Algérie en 2010, au théâtre régional de Béjaia. Est-ce que c’était important pour vous de le créer là-bas plutôt qu’en Belgique ?

Ça s’est fait par le biais du hasard. Lors de mon tout premier voyage, j’ai eu l’occasion de rencontrer la déléguée de Wallonie-Bruxelles à Alger. Elle m’a rappelée quelques mois plus tard en me proposant de venir jouer un spectacle à Béjaia. Je me voyais mal jouer un de mes spectacles que je joue en Belgique, j’ai donc décidé de créer un spectacle lié à mon histoire avec l’Algérie.

Est-ce qu’un spectacle sur vos origines algériennes aurait pu être écrit sans ce voyage ?

Probablement que oui, mais disons que cela a précipité les choses. Je venais de découvrir l’Algérie à ce moment-là, je n’y avais passé que quinze jours, c’était difficile d’écrire un spectacle sur la durée. J’ai donc décidé de raconter vraiment l’histoire : le jour où je devais y aller, les avions étaient bloqués. Finalement, c’est plutôt un spectacle sur l’absence de l’Algérie et la méconnaissance de ma culture. Je ne savais rien. C’est ça que je raconte dans le spectacle. Au fond, c’est une sorte de mise en abime de l’attente, de ce voyage vers ce que je ne connais pas, vers ce pays qui était rêvé. Il se produit une cristallisation au moment de partir, les avions ne décollent pas, tout est bloqué par la neige. L’attente est encore plus imagée. C’est une parabole à la fois sur le voyage et sur le voyage intérieur.

Il semble que le processus de création s’est fait en deux parties, marqué par la première confrontation avec le public algérien. Comment l’a-t-il reçu ?

Ça s’est très bien passé. J’avais très peur, car mon repère pour l’humour algérien c’est le Kabyle Fellag. C’est un repère très difficile parce que Fellag écrit extrêmement bien, on est dans du haut vol. Je savais que les Algériens sont très exigeants sur la langue. Les Kabyles surtout connaissent bien l’oeuvre de Camus, ils sont proches du texte. Ils ne constituent pas un public forcément facile. Du coup, j’ai beaucoup réfléchi à cette écriture et cela a donné un de mes spectacles sans doute les plus poétiques. J’ai une tendance à la poésie, et l’humour peut avoir un aspect très poétique. On commence par moi, morte, qui parle aux gens, qui reviens pour raconter mon histoire. On est donc dans un langage beaucoup plus imagé que celui des autres spectacles.

Vous rejouez aujourd’hui la version que vous jouiez déjà il y a quelques années…

Il faut savoir que je reprends souvent mes spectacles. Ils ne sont pas liés à l’actualité mais à des thématiques, ce qui n’entraîne jamais de problème pour les rejouer. Finalement, je me balade toujours entre trois spectacles. Rejouer une création pour moi, c’est d’autant mieux parce qu’à chaque fois que je joue un spectacle, j’en enrichis un autre que je n’ai plus joué depuis longtemps. Au fond, c’est comme un immense spectacle mais avec des moments différents, des histoires différentes.

Retour en Algérie est un spectacle à part, car il est inspiré de votre histoire personnelle. Est-ce que vous avez plus d’appréhensions par rapport aux réactions du public en le jouant qu’en jouant vos autres créations ? Est-ce que vous vous sentez plus émue ?

Je suis toujours assez émue de jouer ce spectacle, c’est certain. Certainement plus que les autres. Par contre, l’appréhension du public, non. On l’a au tout début quand on crée le spectacle et puis, au fur et à mesure qu’on le joue, elle disparait. Chaque public est une aventure différente. On l’a vu l’année passée, c’était une belle surprise, quand je l’ai joué à Charleroi ; le public était très ému, parce qu’il était composé de gens issus de l’immigration italienne. Ces gens sont venus me dire “C’est notre histoire”. Mon père était mineur. Ils se sont retrouvés dans le spectacle. Cela a donné lieu à de belles discussions et de belles rencontres.

Retour en Algérie, c’est un ensemble d’histoires d’êtres humains. À part la vôtre, quelles histoires racontez-vous?

Au trois quart, c’est mon histoire et ce qui reste, ce sont des personnages qui voyagent. On est dans l’aéroport. Chacun râle parce que les avions ne décollent pas. C’est dans la nature humaine de râler. Et chacun vient raconter un petit morceau de son histoire de vie. Cela m’a permis par le biais des autres personnages d’explorer des facettes que je n’ai pas eu l’occasion d’aborder dans mon histoire personnelle. […]

J’aime bien les aéroports parce que je trouve que ça installe une pression : s’il y a un problème dans l’avion, il y a peu de chances d’en revenir. Puis, il y a quelque chose de plus immédiat parce qu’on met nos valises dans la soute mais on part avec ce qu’on a d’essentiel. Et l’essentiel est toujours ramené à des choses privées, à une partie d’identité, à une histoire proche et unique.

Ce spectacle raconte qu’il n’y a pas de grand ou de petit destin. Il y a des histoires d’êtres humains finalement. C’est ça que je trouvé dans ce voyage : c’est qu’il y a l’histoire très humble de mon père qui a fui cette Algérie colonisée par les Français pour s’offrir une vie meilleure, elle n’est pas mieux ou pire qu’une autre. Et aujourd’hui, avec toutes les histoires d’immigration et parfois l’intolérance et la méchanceté de certains propos, je me dis que c’est vraiment terrible, les gens n’ont rien compris… Chaque vie est unique et a son importance et selon moi, il n’y a aucune hiérarchie dans les vies.

Vous aimez aussi chanter. Y a-t-il de la chanson dans ce spectacle-ci ?

Oui, il y en a dans tous mes spectacles. Je suis un barde comme Assurancetourix.

Du 25 au 27 octobre au Théâtre 140 à Bruxelles, du 31 octobre au 3 novembre à la Comédie-en-Ile à Liège et du 10 janvier au 3 février 2019 à la Comédie Centrale de Charleroi. Rendez-vous sur www.zidani.be pour réserver vos places !