Olivier Van Hoofstadt : « Il n’y aura jamais de Dikkenek 2, ni même de Go Fast 2 ou de Lucky 2 ! »

Peu de gens connaissent son visage – tant l’homme est discret dans les médias – et pourtant, Olivier Van Hoofstadt est le père du désormais cultissime Dikkenek. Quatorze années après la sortie de cet OVNI du cinéma français et douze ans après la sortie de son film d’action Go Fast, le réalisateur belge nous revient avec Lucky. Un film humoristique et décalé, à l’instar de Dikkenek dont il n’a en commun que la présence de l’actrice et humoriste Florence Foresti.

Rencontre avec un cinéaste hors du commun, à la fois instinctif et étonnant.


Cela fait quatorze ans que le public attendait de vous une suite à Dikkenek. Cela n’a jamais été fait et vous sortez aujourd’hui Lucky. Avez-vous conscience que le public vous attend au tournant ?

Même avec trois millions d’euros de salaire, je n’aurais jamais fait de Dikkenek 2. C’est quelque chose qui ne m’intéresse pas. Je trouve que Dikkenek est unique et qu’il faut faire quelque chose de différent. J’ai pris beaucoup de temps pour rencontrer des gens ou pour écrire.

Il n’y aura jamais de Dikkenek 2, ni même de Go Fast 2 ou de Lucky 2 !

Mais en venant voir Lucky, le public s’attend peut-être à voir une sorte de Dikkenek

Oui, je sais que je suis associé à mon premier film. Et je sais que c’est culte et qu’il y a aujourd’hui plus de 165 millions de vues. Il y a des hôtels, des restos, des marques de fringues, des marques de sauces,… Je trouve ça très bien. Ce film appartient à tout le monde et c’est très bien.

Je sais que les gens pensent peut-être voir Dikkenek 2, mais le fait qu’il n’y ait aucun acteur de Dikkenek – sauf Florence qui n’a pas le même rôle -, en fait autre chose. Ici, c’est un film plus moderne, dédié aux femmes.

Vous avez choisi de retravailler avec Florence Foresti plusieurs années après votre première collaboration. Quel lien entretenez-vous avec elle ?

Avant Dikkenek, on avait répété le film dans un théâtre du Marais à Paris, au Petit Point Virgule. On avait même essayé Flo dans le rôle qu’a finalement tenu Marion Cotillard. C’est quelqu’un de très pro. Et dans le même temps, dans la vie, elle reste elle-même. Aujoud’hui, je vois la même Flo que je voyais au départ lorsqu’elle remplissait des salles de trente personnes. C’est une belle personne, tant du côté professionnel que dans le privé. Franchement, je l’admire.

Lorsqu’on regarde votre casting composé de nombreux humoristes, on se demande ce qui vous plait chez ce genre de comédien… Qu’apportent-ils de plus à un film ?

Depuis toujours, j’adore les comédiens. Point de vue technique, je peux tout faire. J’ai fait des clips à New York, à Los Angeles ou à Cuba, je peux faire caméraman, chef-op,… Cela ne m’impressionne pas trop. Par contre, les comédiens et les personnes m’intéressent vraiment. C’est pour cela que j’aime ce métier. Par exemple, Laura Laune, je lui ai proposé de jouer dans le film un an avant qu’il ne soit écrit. J’adore parachuter des « personnages ».

Le fait qu’ils soient issus de l’humour ou de la comédie peut être dès lors plus difficile à diriger ?

Je ne pense pas. Je n’ai pas fait d’école de cinéma, mais j’ai beaucoup appris en regardant des acteurs comme Lino Ventura par exemple. L’Armée des ombres a tout de même inspiré Reservoir Dogs de Tarantino ! Il était boxeur ou catcheur à cette époque-là et il joue comme un dieu. Que ce soit dans L’Armée des ombres ou dans L’Aventure, c’est l’aventure. Pour moi, c’est la perfection. Ce n’est donc pas parce qu’un acteur est humoriste qu’il n’est pas capable de jouer autrement. Ce qui m’intéresse, c’est d’aller chercher ce que les gens ont en eux, sans que cela se voit.

Vous cherchez de la spontanéité…

C’est ça ! C’est d’ailleurs ce qu’ils ont dans le film. Je pense que dans le film, aucun acteur ne joue pas bien. Sinon, j’aurais raté mon boulot. La différence avec Dikkenek, c’est qu’on a une histoire. Elle démarre après la présentation de tous ces personnages comme un film choral.

En regardant Lucky, qui est présenté comme étant une comédie, on sent tout de même une certaine tristesse, que ce soit dans les décors ou les personnages. N’est-ce pas un peu paradoxal ?

C’est-à-dire que personne n’aimerait habiter où ils habitent. C’est peut-être mon côté surréaliste, je suis belge et je suis un fan d’Alechinsky, le peintre belge. Comme le disait Jacques Brel : « le plus dur n’est pas d’aller à New York, c’est de quitter Vilvorde » (rires). C’est né un peu de ce genre de phrase. Mais ça n’existe pas ! […] Par exemple, la cité où habite Laura Laune n’a pas de sens. Elle a une bagnole trois fois plus chère que sa baraque ! Puis, d’autres habitent dans une boucherie désaffectée… Bon, promis, après je ne le ferai plus (rires).

Une chose nous a marqués, c’est l’absence quasi permanente de figurants. Est-ce une réelle volonté de votre part ?

Je n’aime pas travailler avec des figurants. Le problème avec les figurants, en France, c’est qu’ils sont syndiqués. Tu vas donc avoir quelqu’un qui va les diriger et certains vont mal jouer. Comme je ne supporte pas ça, je n’en mets pas. Je n’aime pas mettre des gens comme des pions en disant : « là, tu vas marcher, ne regarde surtout pas la caméra ».

Vous avez co-scénarisé le film avec Mourad Dhoir. Comment vous êtes-vous rencontrés et pourquoi l’avoir choisi pour écrire Lucky ?

Je vivais avec ma copine en Corse où j’écrivais un scénario pour les Etats-Unis. Lorsque je suis rentré, j’avais reçu une lettre de la police. Je me suis d’abord dit que j’avais été flashé à 250 km/h au lieu de 70 km/h. Mais non, c’était un flic qui voulait me rencontrer car il allait arrêter un trafiquant de cocaïne et trouvait, en regardant Go Fast, que mon film était vachement bien renseigné. Ce qui est logique, vu que des trafiquants de drogue m’avait aidé à l’écrire. Par après, il m’explique un peu sa vie, qu’il avait écrit un bouquin et qu’il souhaitait faire un film avec moi. C’est un passionné d’écriture, un mec assez doué. Je lui ai donc demandé deux jours pour réfléchir, mais une heure après, je l’ai rappelé en lui disant qu’on pouvait le faire. On a donc écrit, trois à quatre heures par jour pendant quinze mois, un film sur sa vie. Je l’ai fait lire par Metropolitan Filmexport qui a adoré le projet, mais le prix… ça coûtait 33 millions d’€. Dominique Besnehard nous a alors demandé si on ne voulait pas faire un court-métrage sur les Talents Cannes 2016. Le film a alors fait deux fois le tour du monde, il a été sélectionné à Los Angeles, à Richmond, en Albanie, en Italie… Partout ! C’est un film de 9min 38 (NDLR : A/K) qui est la plus belle lumière que je n’ai jamais eue. Ce sont quatre comédiens qui font tout le film. C’est après cela qu’on a décidé d’écrire un film qui deviendra Lucky.

Dans votre film, les femmes sont fortes, ce qui n’était pas le cas dans Dikkenek. Etait-ce une volonté de votre part ou bien les caractères des actrices que vous aviez à votre disposition ont amené cela par la suite ?

On l’a écrit comme ça. Le personnage principal était une femme flic, gentille mais totalement corrompue. Ca, c’était voulu. Après, avec Florence Foresti, on a passé en revue le scénario de A à Z et on a ajouté des petites choses. Je voulais aussi que ce soit touchant. C’est ce qui change également de Dikkenek, il y a un côté un peu plus doux.

Enfin, il paraît que vous préparez un film avec Laura Laune. Qu’est-ce qui vous a plu chez elle ?

J’adore cette personne. C’est quelqu’un de très doué, de très intelligent. Nous sommes deux timides, mais dans le travail, nous sommes très différents. En fait, j’ai adoré son personnage dans Lucky. C’est d’ailleurs mon petit garçon qui fait son… on ne sait d’ailleurs pas si c’est son fils de treize ans ou son mec. Bref, on s’est dit qu’on souhaitait faire un long métrage ensemble, avec Kody. On va donc commencer à travailler là-dessus dès avril. C’est un projet qui me tient à coeur…

Vous savez, quand on m’a proposé après Go Fast et Dikkenek de faire des films de commande avec des gens… C’est comme Albator (NDLR : projet cinématographique annoncé en 2017 par Olivier Van Hoofstadt et titré Albator : Space Pirate Captain Harlock). Les vingt premières pages que Luc Brunschwig a écrites, c’est juste grandiose. C’est un génie ce gars. Après, quand le mec veut faire un crowdfunding pour payer le scénariste, j’ai dit à Luc de laisser tomber. Comment trouver 250 millions de dollars pour faire Albator alors qu’il ne sait même pas payer le scénariste ? J’ai décidé de ne plus perdre mon temps, même cinq minutes avec des gens comme ça. J’ai aussi perdu deux ans et demi sur Sketté. Avec Laura, on part sur autre chose.

A propos Matthieu Matthys 919 Articles
Directeur de publication - responsable cinéma et littérature du Suricate Magazine.