We gotta get out of this place : mais pour aller où ?

Ecrit et interprété par Guy Dermul & Pierre Sartenaer. Du 8 au 19 février 2022 à l’Atelier 210.

We gotta get out of this place (il faut qu’on se casse d’ici) fait suite à It’s my life and I do what I want (c’est ma vie et je fais ce que je veux).

Sur scène deux ténors, un magicien de prestige à l’air doux et vaguement égaré, et un avocat du barreau austère et déterminé. Une chose est certaine, ils ont ce qu’on appelait dans les temps anciens la gravitas – du latin classique : [ˈɡrawɪt̪aːs̠]), l’une des vertus romaines appartenant au mos majorum, qui dénote le sérieux. Durant 1h30, ils retracent les illusions et désillusions  de l’existence à l’aide de saynètes philosophiquement très pointues et psychologiquement très troublantes, pleines de poésie et de farces mélancoli-comiques.

Les deux compères n’attendent pas Godot, mais nous entraînent en pleine exploration biscornue et loufoque de cette absurdité qu’est la vie. On a droit à des cascades de cirque, des titres en anagramme, des injustices administratives, une plongée dans les mœurs de certains volatiles, des éclaircissements sur le fonctionnement de l’aléatoire selon Apple (think different), versus l’aléatoire tel que nous préférons le percevoir. Des résumés laconiques sont semés au fil de la pièce afin d’aider le spectateur désorienté à suivre.

Sous le vernis poli de leur beaux costumes d’opéra, les deux comédiens performent avec beaucoup de déférence le piano avec les pieds, le plongeon sans piscine, la traduction oiseau/humain, et bien d’autres prouesses dont on ignorait qu’on avait besoin mais qui se révèlent absolument nécessaires à notre appréhension du quotidien. La pièce clôt sur la révolte du décor qui s’anime et fout le camp, littéralement.

Le duo est très efficace, entre la bonhomie tranquille du comédien francophone et le charme froid et contenu du comédien flamand. On s’attache très vite à leurs personnages et il est facile de s’identifier aux histoires simples mais pas banales qu’ils nous content. On rit et on est émus, sans toujours bien savoir pourquoi. Génialissime et d’une rare élégance, tout en efficacité et en fausse naïveté.

On est à l’aise, pris comme dans un songe, un peu étourdi mais néanmoins détendus, parfois un peu confus, comme après un long bain chaud dont on sort propres mais avec les doigts étrangement tout fripés, mais on est tout de même contents parce qu’on sent bon. Et on a bien rigolé. On attend la suite avec impatience (One Monkey Don’t Stop No Show ?).

On salue au passage Guy Dermul qui s’est ouvert le front au bout de 15 minutes et a tout de même joué l’entièreté de la pièce avec un mouchoir comme pansement de fortune. « Tout pour l’art » !

A voir absolument !