La Villa, ou la poésie du huis-clos

La Villa

de Robert Guédiguian

Drame

Avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan

Sorti le 29 novembre 2017

Après Une histoire de fou (2015), Robert Guédiguian est de retour ce 29 novembre avec son nouveau long-métrage La Villa, filmé entièrement dans une calanque à Marseille. L’histoire commence par l’accident cérébral de Maurice (Fred Ulysse), un père de famille, dont le silence conséquent sert de prétexte narratif aux retrouvailles de ses enfants. Marseille, le centre névralgique du film, représente aussi bien l’îlot idéalisé dont Maurice est le symbole unificateur, que le souvenir du drame familial qui sépare Angèle (Ariane Ascaride) de son père et de ses deux frères, Armand (Gérard Meylan) et Joseph (Jean-Pierre Daroussin).

Film intimement humaniste, l’accent est mis sur l’émotion, l’interaction, la parole et les non-dits. La villa et ses alentours forment le huis-clos nécessaire à la dynamique de la trame narrative, et sont aussi bien essentiels que secondaires à l’histoire que développent les personnages. Secondaires parce qu’ils construisent la scène sur laquelle les personnages évoluent ; mais essentiels aussi, car ils représentent un terreau de souvenirs et d’idéaux dans lequel le réalisateur puise son matériau narratif. Les éléments « physiques » de la scénographie ont donc, outre leur attrait visuel et sonore, une fonction métaphorique qui symbolise l’idéologie de gauche que Guédiguian revendique ouvertement et artistiquement depuis des années : la mise en commun de certains biens (les graines et l’eau mises à disposition des animaux), le partage (le sapin de Noël), la solidarité (le restaurant d’Armand)…

Film humaniste aussi au niveau des discussions sur la politique, l’amour, la tristesse et la vieillesse… Discussions qui ne sont néanmoins jamais closes et qui prennent bien plus souvent la forme de répliques unilatérales, servant de base à une plus longue réflexion pour le spectateur. Loin donc d’être un « manifeste gauchiste », le film pose des questions sans y répondre et invite, par sa poésie visuelle et verbale, à un réel débat sur des questions profondément humaines. En effet, avec un brin d’humour et une touche de mélancolie, La Villa fait montre de beaucoup d’humanité et d’espoir en l’avenir de nos sociétés. Espoir qui semble prendre racine, chez Guédiguian, par un retour aux fondamentaux : la ville natale (Marseille), la maison familiale, la nature…

La Villa est une histoire drôle, prenante et touchante, avec certes quelques passages longs et légèrement mélodramatiques. Notons par exemple les interactions un cran trop lyriques entre Benjamin et Angèle. Cela étant, ils n’enlèvent rien à la beauté et l’humanité du film, qui s’expriment tant sur le plan de l’histoire qu’au niveau de l’image et des silences. En termes de cadrage, le choix du gros plan offre l’avantage de suivre chaque action de près, et de prendre note de chaque émotion et expression des acteurs. Ensuite, la préférence pour les silences prolongés permet au spectateur de ressentir entièrement les tensions entre les personnages, et d’écouter s’exprimer les éléments naturels comme le vent, les vagues ou encore la respiration du père muet. De fait, l’importance du retour aux fondamentaux semble telle chez Guédiguian, qu’il consacre une grande importance aux choses les plus élémentales afin qu’elles deviennent une partie intégrante de la narration.

Somme toute, La Villa est un film plein de poésie, d’intelligence et d’humour, qui se construit progressivement et ne perd pas l’attention du spectateur. Un film magnifique, que l’on ne peut que recommander d’aller voir.

A propos Mathilde Wynsdau 9 Articles
Journaliste du Suricate Magazine