« Stars at Noon », avec ennui et acharnement

Stars at Noon
de Claire Denis
Drame, Romance, Thriller
Avec Margaret Qualley, Joe Alwyn, Benny Safdie
Sorti le 3 mai 2023

Dans un contexte d’instabilité politique au Nicaragua, Claire Denis installe une histoire d’amour entre Trish, une journaliste américaine bloquée sans passeport, et le britannique Daniel en mission pour une compagnie pétrolière, qui s’épauleront dans leur tentative pour fuir le pays. Avec cette variation amoureuse sur les codes du polar, Claire Denis s’égare en terre inconnue en oubliant, au passage, son spectateur.

Après une préproduction chaotique rythmée par de multiples rebondissements au sein de la distribution – le premier rôle masculin au départ prévu pour Robert Pattinson, remplacé par Taron Egerton pour cause de conflit de calendrier, fini par échoir à Joe Alwyn -, Stars at Noon nous arrive auréolé du Grand Prix du Festival de Cannes 2022.

Hasard du calendrier, le film de Claire Denis entretient nombre de similitudes avec un autre long-métrage dévoilé la même année sur la croisette : Pacifiction d’Albert Serra. Tous deux rivés à leurs personnage principaux d’imposteurs occidentaux catapultés en territoire exotique dont ils croient, à tort, maitriser les codes, les deux œuvres partagent un même lâcher-prise quant à la narration, et   s’intéressent d’avantage à l’observation attentive d’un maillage d’intérêts politiques complexe. Mais là où l’atmosphère ouatée du film catalan était émaillée de fulgurances arrachées au réel, traversée par une performance démentielle de Benoit Magimel, force est de constater que Stars at Noon peine à soutenir la comparaison.

En arpentant le chemin balisé du thriller politique, Claire Denis choisit de maintenir volontairement son spectateur dans l’opacité : des raisons ayant mené Trish à perdre son passeport, de la mission dont Daniel doit s’acquitter, à la nature de la menace qui pèse sur eux, jamais il ne sera véritablement question. Tous les rouages de la machine au cœur de laquelle le couple se retrouve pris au piège sont ainsi relégués à une forme d’abstraction mystérieuse. Chez Serra, ce flou scénaristique était l’occasion de mettre à nu la nature artificieuse de la manœuvre politique, orchestrée avec brio par la langue sinueuse de De Roller. En cinéaste de la chair, c’est avant tout le couple et la façon dont ces deux corps vont s’agencer, s’entremêler jusqu’à se contaminer, que Claire Denis choisit d’ausculter à l’aide de sa caméra.

Malheureusement, la réalisatrice a bien du mal à donner vie à cette passion naissante, peu aidée par des dialogues insipides et clichetoneux au possible (la scène de rencontre au bar de l’hôtel) et par la performance incolore de Joe Alwyn. Son innocence béate de jeune premier servait à merveille le propos d’Un jour dans la vie de Billy Lynn d’Ang Lee, mais ici, le charisme et l’assurance lui manquent cruellement pour nous faire croire à son personnage de séducteur mystérieux et impassible. A mesure que s’enchainent scènes de sexe désespérément plates et dialogues politico-cryptiques, l’attention du spectateur plie bagage et rêve, elle aussi, de fuir.