
L’Intérêt d’Adam
Réalisatrice : Laura Wandel
Genre : Drame
Acteurs et actrices : Léa Drucker, Anamaria Vartolomei, Jules Delsart
Nationalité : Belgique, France
Date de sortie : 15 octobre 2025
On la reconnait dès le premier plan. La signature visuelle d’un certain cinéma d’auteur festivalier ayant fait de l’immersion son alpha et son oméga. Caméra épaule, longue focale, gros plan sur un personnage qui en occupe le centre et que l’on ne quittera pas d’une semelle : c’est la promesse d’une expérience émotionnelle brute, puissante, en apparence débarrassée de tout un tas d’afféteries stylistiques superflues. Du Fils de Saul (László Nemes, 2015) à Bird (Andrea Arnold, 2024) en passant par L’Événement (Audrey Diwan, 2021), le dispositif fait invariablement recette et était déjà la clé de voûte d’Un Monde (2021), premier long-métrage de Laura Wandel qui alertait contre le harcèlement scolaire. Fabriqué selon les mêmes codes de réalisation, L’Intérêt d’Adam nous plonge pour une poignée d’heures dans l’univers oppressant d’un hôpital où Lucie, infirmière au service pédiatrie, tente de gagner la confiance de Rebecca, mère dépassée et maltraitante du petit Adam dont la garde pourrait lui être retirée. De ce décor et de ses occupant·es nous n’en verrons pourtant pas grand chose, puisque l’unique parti pris de mise en scène de la cinéaste et de faire le flou autour de son personnage principal, pour mieux évacuer le milieu qu’elle entend convoquer. Le message est clair : il s’agit ici de faire place nette, de pousser les murs pour installer les rails bien huilés d’un scénario rebattu qui nous conduira jusqu’à une leçon de vie édifiante que l’on devine à peine le récit amorcé. Il ne s’agirait surtout pas d’introduire du désordre et de faire droit à cette chose pénible car imprévisible que l’on nomme le réel.
Mais de quoi ce principe d’immersion en toc est-il vraiment le nom ? En réduisant environnement et entourage du personnage principal à une quasi-abstraction, Laura Wandel braque la lumière sur le seul élément de son film qu’elle semble réellement désirer filmer, à savoir son actrice. Léa Drucker, de tous les plans, y apparait prise dans un étrange paradoxe : sa composition solide, toute en retenue, est sans cesse sabotée par ce principe de mise en scène qui joue en réalité contre elle. Mis à nu par la caméra qui ne voit qu’elle, son travail de jeu est exposé pour ce qu’il est : du travail. En ressort un grand sentiment d’artificialité, corroboré par une morne galerie de personnages secondaires semblables à des ombres et dont les souffrances n’existent que pour souligner l’exemplarité morale de cette infirmière courageuse, tout comme le professionnalisme d’une comédienne délivrant sa partition de soliste. Même Adam et sa maman, campée par Anamaria Vartolomei, dont on croit un temps qu’iels constituent l’enjeu principal de l’intrigue (l’enfant survivra-t-il à la malnutrition imposée par sa mère ? Perdra-t-elle la garde ?) finissent relégué·es en outils scénaristiques, employés à bricoler une dernière épreuve pour cette soignante dévouée. Le film s’achève par une autre tarte à la crème de ce cinéma immersif : un gros plan sur le visage de l’actrice qui fixe le·a spectateur·ice droit dans les yeux. Abandonnant définitivement les personnages souffrants dont elle fait mine de se préoccuper, la cinéaste confesse malgré elle ses intentions de nous sensibiliser à l’héroïsme d’une profession dévaluée en dressant le portrait paresseux d’une mère courage.
