Retour sur L’Âge d’Or Festival

Du cinéma expérimental, des rencontres, discussions, une master class, … Depuis quatre ans, l’Age d’Or festival, accueilli par Cinematek, n’en finit pas de célébrer des artistes et cinéastes dont le travail réinvente le cinéma.

On dit de lui qu’il serait hermétique, impénétrable, étrange voire facile, mais en réalité, le cinéma expérimental qu’est-ce que c’est ? Rien de si sorcier finalement, mais plutôt une façon nouvelle de penser la vie, de regarder le monde. A mi-chemin entre le white cube et les salles obscures, le cinéma expérimental est là pour se (nous) poser les bonnes questions : comment appréhender la narration par une structure narrative qui déroge au classicisme de ses règles fondamentales, comment accoucher de nouveaux codes de représentation sans se heurter au consensus collectif et sociétal. S’émanciper de la fantasmagorie blockbusterienne et s’infiltrer dans le cinéma par la porte du moi et ses circuits économiques alternatifs, le cinéma expérimental comme cinéma « pur », « absolu », « underground », le cinéma expérimental comme art total, au plus proche de ceux qui le façonnent.

Pari risqué donc, mais pari, une nouvelle fois, réussi pour L’Age d’Or. Mixité entre artistes jeunes ou confirmés, modernes ou contemporains, sans limite de genre, durée ou géographie ; les programmateurs du festival n’ont savamment laissé quiconque sur sa fin.

A ceux qui n’avaient pas eu la chance de rencontrer son travail, notamment lors de l’édition de 2016 du Brussels Art Film Festival, le focus Time, a Hesitant Smile mis à l’honneur l’œuvre de Joan Grimonprez au travers une rétrospective, pensée par l’artiste, de l’entièreté de sa filmographie en dialogue avec son travail plastique visible au foyer de la Cinematek.

Par-delà cette perspective d’interconnexion et d’entrelacement des œuvres, le programme Object of Desire, carte blanche offerte à l’artiste autrichienne Antoinette Zwirchmayr, esquisse les liens, avec clairvoyance, entre son travail et d’autres films qui leur font écho tels que Jícaro (2016) de Rosa John, Closed Circuit (2014) de Sasha Pirker ou encore Timing (1973-1980) de Dora Maurer.

Parallèlement, deux focus rétrospectifs rendaient hommage respectivement à la richesse du cinéma d’avant-garde Argentin avec le programme Incisions and Imprints : Argentine Experimental Cinema et à la mouvance féministe britannique des années 80 par le cycle Distribute and Circulate : Women’s experimental filmmaking in Britain organisé par Charlotte Procter membre du distributeur LUX, à l’origine du projet de restauration des films projetés, à l’occasion du 50ème anniversaire de la LFMC (London Filmmakers Co-operative).

L’Age D’Or Expérimental film festival célèbre mais récompense également ! Cette année ce sont quelques 34 films produits au cours des trois dernières années qui ont concourus pour trois distinctions. Le prix Age d’Or décerné par le Jury international présidé par l’artiste Vincent Meessen qui représenta la Belgique lors de la 56ème Biennale de Venise (2015) a récompensé Explosion my Baby de Pauline Curnier Jardin. Le Young Jury, composé d’étudiants d’écoles d’art Bruxelloises a attribué sa distinction à La Bouche de Camilio Restrepo. Enfin, sublime programmation pour le prix Impatience nommé en hommage à l’œuvre éponyme de Charles Dekeukeleire, décerné à des auteurs en début de carrière, a honoré le travail de New Sun Breathing in de Chloe Reyes.

Inspiré du film « anticlérical et antibourgeois » de Luis Bunuel en collaboration avec Salvator Dali, le prix l’Age d’Or créé par Jacques Ledoux, fondateur de la Cinémathèque royale de Belgique est devenu depuis quatre ans le Festival L’Age d’Or ; un événement devenu aujourd’hui incontournable pour les cinéastes, cinéphiles, néophytes et tous les autres. Le festival l’Age d’Or, cette année encore, nous a offert cet espace réflexif, si rare mais tant nécessaire autour du cinéma et son conformisme.

Si vous n’avez pu en être, « stay stunned » pour l’année prochaine et en attendant, rendez-vous début avril, toujours à la Cinematek, pour découvrir la carte blanche du Young Jury… Affaire à suivre !

A propos Audrey Lenchantin 56 Articles
Journaliste du Suricate Magazine