Quatuor (ou Efeu) au Théâtre des Tanneurs

© Bart Grietens

Conception et direction de Thomas Hauert. Recherche et de Fabian Barba, Thomas Hauert, Liz Kinoshita, Sarah Ludi, Federica Porello, Gabriel Schenker, Samantha Van Wissenl. Du 18 octobre au 22 octobre 2022 au Théâtre des Tanneurs.

EFEU – lierre en allemand – par le chorégraphe Thomas Hauert, nous fait grimper sur un terrain agraire où le heurt entre nature et culture profite à la combustion de la matière. Quatuor, sous-titre de la pièce, était provisoirement le titre principal, il réfère au nombre de danseurs et à la scénographie aux traits géométriques qui fait bifurquer notre regard selon une logique tiraillée entre rigueur et mouvance.

Le quadrilatère en PVC blanc, qui compose la scène en diptyque, est relevé aux quatre coins par de fines cordes de métal conférant à l’estrade une dynamique aérienne. C’est dans la neutralité de ce vaste espace que les danseurs entament leur chorégraphie. La musique composée par Bart Celis vient rythmer ce ballet décomposé : tantôt vive, tantôt badine, tantôt expérimentale, elle épouse tout au long de la pièce l’éruption volcanique des silhouettes. Le caractère saccadé des corps trouve une régularité dans la maîtrise technique cadencée qui marque l’absence de flottement même dans les moments de silence.

La gestuelle oblique défait la scène de son esthétique symétrique ; 55m de tension déliée entre aplomb et déséquilibre mettent à mal les lois de la pesanteur, l’harmonie des gestes évite cependant la rupture et préfère la synergie à la chute. Cette désarticulation physique est éclairée par la lumière qui s’allume dans les yeux des danseurs de façon presque halluciné. Des regards qui ne se croisent pas et qui, capturés dans une transe physique et psychique, ne semblent pas jouer un rôle central dans ce jeu d’équilibre précaire. Ainsi, les chaires s’épousent et se pénètrent, par deux, par trois, par quatre ou en solo. C’est de cette communion décousue que la communication émotionnelle prend forme. L’ébranlement est proche, mais il n’est qu’effleuré, car l’élan vital domine sur une potentielle adversité intangible. La fuite est donc contenue dans un espace défini, amenant collision et combustion, l’effervescence de la pièce fleurit grâce à cette esthétique charnelle en lutte perpétuelle contre l’entropie.

Le décor et les costumes minimalistes laissent place à l’imagination : quelles interférences dans l’environnement dévient les corps d’une trajectoire sereine et cohérente ? L’accalmie ne semble pas guetter les danseurs, même lorsque les oiseaux chantent en fond sonore, c’est plutôt vers un cataclysme final qu’ils se projettent dans une union façon Radeau De La Méduse pilotée par une musique baroque. La Compagnie Lumière Bert Van Dijck signe donc un ballet vivifiant où la qualité performative s’efface pour éclairer l’instinct fusionnel et grégaire.