Putin’s Witnesses, dans les coulisses de l’opération « Successeur »

Putin’s Witnesses
de Vitaly Mansky
Documentaire
Présenté dans le cadre du Festival Millenium 2020

Présenté dans le cadre du festival Millenium qui se tient du 16 au 25 octobre dans divers lieux à Bruxelles, Putin’s Witnesses du réalisateur Vitaly Mansky mérite toute l’attention du public, et ce pour plusieurs raisons. D’une part car il analyse de l’intérieur la genèse du phénomène Poutine, qui, depuis 20 ans, règne sans partage sur le plus grand pays du monde et d’autre part, car il donne également matière à réflexion sur la personnalité de celui-ci et sur certains traits de caractère qui peuvent expliquer sa vision de la société et sa gestion du pays au cours de ses nombreux mandats.

Les événements que retrace le film commencent le 31 décembre 1999, lorsque la Russie découvre son nouveau président. Putin’s Witnesses repose sur des témoignages uniques et strictement documentaires sur les causes véritables et les conséquences de l’opération « Successeur », qui portera au pouvoir le président qui dirige toujours la Russie aujourd’hui. Les protagonistes du film sont Mikhaïl Gorbatchev, Boris Eltsine, Vladimir Poutine et la nation russe, témoin silencieux de sa propre destinée.

Dans les coulisses, les jeux de pouvoir

Le premier intérêt du documentaire est donc de nous plonger dans les coulisses de la première élection de Poutine. Fait étrange par rapport à l’image que l’on connait de l’actuel président russe, celui-ci apparaît en retrait et effacé dans un premier temps, une sorte de candidat lambda dirigé en coulisses par l’ancien président Eltsine et les cercles proches du pouvoir. Néanmoins, que l’image qu’il donne reflète ou non ses intentions, il faut saluer le travail de Vitaly Mansky qui, en grattant le vernis autour de ce candidat trop lisse, révèle certains points de sa personnalité et montre que même si Poutine manquait de charisme et de popularité à l’époque, il avait déjà certaines idées bien arrêtées sur le rôle de l’État et l’importance de certains symboles soviétiques comme l’hymne national par exemple.

Qui tire les ficelles?

Dans un scénario de politique fiction, on peut d’ailleurs se demander ce qu’il serait advenu de la Russie si l’opération « Successeur » avait jeté son dévolu sur un autre candidat ? Et c’est d’ailleurs là une question ambiguë mais essentielle que pose le film. Jusqu’où les commanditaires de ce placement produit ont été en phase avec les décisions de leur candidat, et à quel moment la situation leur a-t-elle échappé ? Rien ne l’indique dans le film et on ne le sera sans doute jamais, néanmoins, on remarque que Poutine se détache assez rapidement du clan Eltsine en l’évitant, et ce, dès la victoire électorale acquise. De plus, il est frappant de noter que l’immense majorité de ses premiers soutiens et de son équipe de campagne s’est désolidarisée de lui au cours de la décennie qui a suivi.

En plus d’offrir des témoignages uniques sur l’opération « Successeur », l’attrait et la question essentielle que pose le document n’est-elle pas de savoir qui détient réellement les clés du pouvoir en Russie ? De statut de marionnette en 1999, Poutine est passé à celui de chef d’orchestre à présent. Certains diront que c’est bien la preuve du caractère machiavélique du personnage tandis que d’autres continueront à chercher au-delà des apparences pour savoir qui tire réellement les ficelles du pouvoir et quel jeu d’influence se joue en coulisse. Une question non résolue mais une raison supplémentaire pour voir cet excellent documentaire.