Power Rangers, la revanche des outcasts

Power Rangers

de Dean Israelite

Action, Science-fiction

Avec Dacre Montgomery, RJ Cyler, Naomi Scott, Becky G, Ludi Lin, Elizabeth Banks, Bryan Cranston

Sorti le 5 avril 2017

Objet kitsch et chargé rétroactivement d’une mélancolie liée à l’enfance des trentenaires qui ont autrefois suivi de près ou de loin la série et ses deux adaptations cinématographiques, Power Rangers fait partie de ces madeleines de Proust improbables et honteuses, dont on savait qu’un revival était à la fois inévitable et pourtant presque surréaliste. Il faut dire que, si la ringardise intrinsèque de la série était déjà plus ou moins assumée à l’époque, elle a depuis été complètement intégrée par l’inconscient collectif, à tel point que l’on éprouve un certain mal (a priori) à prendre au sérieux une nouvelle adaptation.

Frappés du jour au lendemain d’une force surhumaine et de capacités surnaturelles, cinq adolescents sont recrutés par Zordon, un mentor extra-terrestre et virtuel, pour former la nouvelle équipe de Power Rangers, sortes de justiciers en armure luttant pour le bien. Leur première mission sera de contrecarrer les plans de Rita Repulsa, ancienne ranger renégate jadis vaincue par Zordon et bien décidée à prendre sa revanche.

Au-delà de cette trame minimaliste classique de blockbuster adolescent tel qu’on a tendance à le concevoir de manière automatique et bornée, ce qui séduit dans ce Power Rangers est cette manière de retarder sans cesse le climax et l’affrontement. Le film pourrait être un défilé ininterrompu de morceaux de bravoures, de scènes d’action spectaculaires et gonflées aux effets numériques, mais il n’a de cesse de remettre à plus tard ce moment fatidique où l’esthétique du film et sa dynamique rejoindront celles de grands spectacles son et lumière à la limite de l’abstraction (façon Transformers).

Les deux premiers tiers du film ont l’allure d’un teen-movie presque intimiste, au rythme assez lent et concentrant son intrigue sur les relations qui se tissent entre ces cinq « outcasts », tous mis à l’écart d’une manière ou d’une autre et qu’un événement « extra-ordinaire » conduit à devoir renforcer les liens entre eux. Car le film se présente totalement comme une espèce de revanche des faibles, prenant la naissance de cette nouvelle équipe de rangers comme une opportunité donnée à des adolescents marginaux de créer quelque chose de neuf et de puissant en dehors de la norme que leur impose l’école, la famille et la société. Cette idée de la mise en place d’une collaboration, de ce travail d’apprivoisement entre les cinq membres de l’équipe pour arriver à un résultat qui leur donnera un statut « hors-norme », est l’une des plus belles du film. En cela, Power Rangers est peut-être plus proche du Breakfast Club de John Hughes que du Chronicle de Josh Trank – auquel le film fait penser de prime abord, de part des similitudes scénaristiques et esthétiques un peu trop flagrantes.

Il se trouve que, comme Chronicle, Power Rangers est un peu le matériau de base idéal pour un teen-movie, tant le parallèle à tisser entre la mutation au sens paranormale que subissent les héros et celle qu’éprouvent les adolescents sur le plan physique et hormonal apparaît comme une évidence. Le réalisateur et les scénaristes ont bien compris cette dimension essentielle à intégrer dans le sous-texte de leur film. Et les sous-entendus sexuels – s’ils sont bien présents dans les dialogues ou dans les expériences purement physiques qu’éprouvent les héros quand ils apprennent à maîtriser leurs pouvoirs – investissent jusqu’à la construction dramaturgique du film, en forme de longue montée en puissance vers un point ultime, une grosse demi-heure de déferlement kitsch totalement débridé, dans laquelle la notion de climax atteint sa signification la plus brute : celle d’une jouissance pure et simple, définitivement séparée de toute forme de vraisemblance ou de rationalisation.

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