« Mortepeau », une atmosphère pesante

Titre : Mortepeau
Autrice : Natalia García Freire
Editions : Christian Bourgois
Date de parution : 2 septembre 2021
Genre : roman

Premier roman de Natalia Garcia Freire, Mortepeau raconte la décadence d’une famille, la lente descente vers l’assujettissement et la mort, qui semble ne pas être la fin de tout.

Un jour, deux hommes d’allure peu ragoûtante arrivent chez eux. Doucement, ils s’installent et prennent possession des lieux et de ses habitants. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? D’où viennent-ils ? Autant de questions sans réponses qui donnent à ce récit des formes mystérieuses, des ténèbres attirantes.

L’arrivée de ces deux personnages bouleverse l’équilibre de ce microcosme sombre, chacun est impacté et chacun fait comme il peut pour accepter la situation. Deux n’y parviennent pas cependant ; Joséfina, épouse et mère de Lucas, et Lucas lui-même. Tous deux se retranchent encore plus dans leur monde fait de plantes et d’insectes. Déjà, ils se terrent.

Lucas, le fils unique de la famille, revient au domaine après s’être enfuit de chez l’homme pour qui il travaillait. D’abord terré, observant ce qu’il se passe à l’intérieur, il finit par rentrer dans son ancienne demeure. Son retour marquera la fin de sa famille, pour toujours. Il emmènera avec lui les derniers vestiges de qui ils étaient.

L’atmosphère est pesante, à chaque mot, on sent la saleté et la lenteur des jours qui passent dans cette maison. Lucas terré et communiant avec le petit monde d’en dessous, insectes et autres rampants, se pose comme une sorte d’ange exterminateur tout en arborant la parure d’un pauvre erre. Felisberto et Eloy sont terrifiants, dégoutants tout autant que fascinants. Le père absent, transparent, ne sert qu’à faire rentrer le mal dans la maison et s’efface au fur et à mesure que le récit avance. La mère est invisibilisée, infantilisée, comme une chose malade dont on aurait honte. Quant aux petites servantes, elles volettent dans le récit comme autant de mouchettes, vivantes mais sentant déjà la mort et la déchéance.

L’écriture est chargée, pesante et se laisse dépasser parfois par ses élans lyriques et gothiques. L’histoire se trame aussi avec quelques lourdeurs. Mais tout ceci incombe au statut de premier roman. Mortepeau est un peu comme un rideau de velours lourd, sombre, épais qui obstrue les fenêtres des grandes demeures. Il pèsera tout comme il fascinera.