« Paternoster », des adieux et des retrouvailles

Titre : Paternoster
Auteur : Adrien Girard
Editions : Au Diable Vauvert
Date de parution : 26 août 2021
Genre : Roman

Voici une merveille de premier roman. On pourrait presque s’arrêter là et laisser l’entière découverte au futur lecteur.

Gaspard est en terrasse, il savoure la vie avec des amis quand l’appel arrive, cet appel qui t’annonce qu’une partie de ton monde s’écroule, peu importe ce que tu es en train de faire, de manière irrémédiable. Et ce, même si cette partie de ton monde t’es devenue étrangère depuis longtemps. Son père est dans le coma, il doit partir à la Réunion d’urgence. Le voilà donc sur cette île, isolé doublement, une pandémie qui débarque paralysant le monde et une famille qu’il ne connaît pas ou plus à apprivoiser contre son gré. Pendant 196 jours, il va faire le voyage de lui à lui, de lui à eux et de lui à ce père flou, confus, au bord de la mort, mais pourtant si présent, enfin.

Réellement, chaque page est un bijou narratif, filée de sentiments subtils et subtilement transcrits, regorgeant d’humour acide et tendre. On ne sent pas les pages passer, tout plongé qu’on est dans ces drôles de retrouvailles. Paternoster d’Adrien Girard est autant un livre sur la rencontre que sur le deuil, le tout cohabitant dans une écriture juste. Ce qui fait la délicatesse de ce livre, c’est la manière dont l’auteur traite le deuil du père pour un fils. Questionnant le rapport père et fils et ce que ce dernier implique ; comment chacun se construit dans ce lien, comment les non-dits remplissent la relation et l’altèrent avec le temps, comment l’équilibre se trouve dans cette union dont tout le monde est un peu prisonnier ? Après tout ce temps, comment les sentiments s’expriment à travers un réseau de tuyaux et de machines, à travers l’environnement aseptisé et froid d’une chambre, la chambre 310, secteur A, couloir des Réanimations polyvalentes ?

A travers son écriture, l’écrivain arrive très bien à nous mettre en décalage, à nous faire sentir cette différence entre l’austérité des lieux et la chaleur de ces deux êtres qui tentent de se retrouver, une dernière fois. Un livre magnifique, un voyage doux-amer et plein d’amour au pays de la mort et de la vie qui s’entremêlent si bien ici.