« Mesure pour mesure », comédie tragique ou tragédie comique

Titre : Mesure pour mesure
Auteur : William Shakespeare
Editions : Folio
Date de parution : 14 octobre 2021
Genre : Théâtre

Nous sommes à Vienne. Le Duc, qui gouverne la ville depuis quatorze ans, est soudain frappé par la lucidité : voilà quatorze ans qu’il oublie de faire appliquer ses lois avec assez de fermeté. Ce laxisme a permis à la débauche et l’immoralité de s’insinuer dans les mœurs viennoises. Pour y remédier, il lui faut un homme juste, ferme et dévoué. Il décide de s’absenter secrètement pour confier la régence au sévère Angelo, « un homme dont le sang est un vrai potage de neige ».

Mais rapidement une couille apparait dans ce potage et la neige finit par fondre lorsqu’Angelo fait la rencontre d’Isabella, dont le frère, Claudio, est la première victime de sa répression. À cause « d’une braguette qui se révolte », ce dernier a été condamné à mort par décapitation pour avoir mis enceinte sa fiancée avant le mariage. Apprenant la nouvelle, Isabella court plaider sa cause auprès du régent. D’abord inflexible, puis finalement séduit par la jeune femme, Angelo l’austère finit à son tour par céder à la volonté des braguettes et promet de consentir à la clémence si elle accepte de lui offrir sa virginité. Mais une question morale se présente : accepter de souiller son corps pour sauver une tête, n’est-ce pas aussi souiller son âme ?

Au-delà du salut, c’est le sujet de la justice qui est alors ici interrogé. Qu’est-ce qu’une loi juste ? Qui est habilité à la décréter et la faire appliquer ? Celui qui juge sévèrement doit-il être irréprochable ? ne devra-t-il pas être lui aussi sévèrement jugé ?

Qualifiée en anglais de problem play, ou pièce problématique, pour son ambivalence, cette comédie de 1604 est considérée comme une des plus noires de son auteur. Parfois légère parfois grave et obscure, la bouffonnerie et les manigances les plus tordues se mêlent aux tourments de l’âme et de la morale.

Quand on demandait à Louis-Ferdinand Céline ce que Shakespeare avait de plus que Racine ou Corneille, il répondait qu’« on passe de la clownerie au tragique, avec vraiment de la vérité, en même temps… C’est plus complet, ça tient mieux… quand vous avez à la fois le tragique et le rire, vous avez gagné ».

La clownerie et le tragique, c’est justement le numéro d’équilibrisme que réussit parfaitement cette pièce.