Mademoiselle Agnès aux Martyrs jusqu’au 17 décembre

© Hubert Amiel

De Rebekka Kricheldorf, mise en scène de Philippe Sireuil, avec Fabrice Adde, France Bastoen, Daphné D’Heur, Adrien Drumel, Stéphane Fenocchi, Gwendoline Gauthier, Félix Vannoorenberghe, Chloé Winkel. Du 30 novembre au 17 décembre 2021 au Théâtre des Martyrs.

Dans cette réécriture contemporaine du Misanthrope de Molière, le rôle d’Alceste est repris par une femme qui ne mâche pas ses mots, qui ne se cache pas derrière aux impératifs dictés par la société, qui déteste les bienpensants, les bienfaisants et, en général, les gens. Agnès est une critique d’art qui rêve d’une existence sans faux-semblants, d’une société où la vérité n’accepte pas de compromis et où on décide de dire ce qu’on pense exactement comme on le pense. Sept autres personnages gravitent autour d’elle : son jeune amant (artiste en quête de son propre chemin), un SDF, deux jeunes performeuses qui théorisent un art grandiloquent et vide, deux amis de longue date et son fils. En animant les échanges dans le salon de l’appartement d’Agnès, tous ces personnages nous offrent la possibilité de réfléchir aux relations humaines, aux enjeux de la vie en société mais aussi au rôle de l’art et à la posture des artistes dans le monde contemporain.

On avait déjà eu l’occasion de découvrir le style remarquable de Rebekka Kricheldorf avec Villa Dolorosa qui a été présenté en 2019, toujours aux Martyrs. Mademoiselle Agnès nous plonge à nouveau dans l’univers caustique de cette auteure qui, exactement comme la protagoniste du spectacle, ne dit pas les choses à moitié. Rebekka Kricheldorf crée des personnages et des situations tellement complexes dans leurs contradictions qu’ils suscitent chez le spectateur des réactions différentes mais toujours vives. C’est ainsi qu’on rit beaucoup, qu’on réfléchit, qu’on se surprend à être gêné et qu’on risque de se sentir irrité, tout dans l’espace d’une seule pièce. Ce type d’écriture crée un lien entre les artistes et les spectateurs, comme un dialogue subtil qui ne laisse pas de place au malentendu.

Cette écriture généreuse et intelligente, aux traits corrosifs, semble être une matière riche à manipuler pour les comédiens qui habitent le texte avec aisance en faisant preuve d’une présence exceptionnelle. Le rythme des échanges est soutenu sans jamais être étourdissant et les connexions entre les comédiens sont fluides et nettes. La mise en scène laisse la juste place au jeu des acteurs qui s’emparent de la complexité du texte et des personnages. On remarque le travail dramaturgique autour de l’espace et des corps ainsi que des choix intéressants relatifs à la scénographie et, plus en général, à l’esthétique du spectacle.

Mademoiselle Agnès est une comédie sagace qui capture le spectateur du début à la fin en l’amenant à se questionner sur des sujets qui le concernent de près. À voir !

A propos Elisa De Angelis 55 Articles
Journaliste du Suricate Magazine