« Le Metropol », la longue attente

Titre : Le Metropol
Auteur : Eugen Ruge
Editions : Chambon
Date de parution : 1er septembre 2021
Genre : Roman

Après s’être penché une première fois sur l’histoire familiale dans Quand la lumière décline, roman récompensé par la distinction littéraire la plus prestigieuse d’Allemagne, Eugen Ruge continue son exploration en nous parlant du sort de sa grand-mère dans Le Metropol, une œuvre qui parle avec justesse de la terreur stalinienne.

Moscou, 1936. L’année des grands procès. À l’hôtel Metropol où Charlotte Germain et son mari Wilhem sont assignés à résidence, l’angoisse ne cesse de grandir parmi les membres du service secret du Komintern brutalement démis de leurs fonctions et qui attendent de connaître le sort que leur réserve le maître du Kremlin. Petit à petit, tout autour d’eux les portes sont scellées, les résidents emmenés pour être jugés. Une étrange atmosphère feutrée et terrifiante s’installe dans l’illustre et luxueux palace où se côtoient des invités de marque comme l’écrivain allemand Feuchtwanger, les anciens de l’Internationale communiste et le terrible juge Vassili Vassilievitch Ulrich qui chaque soir, après avoir condamné à mort les anciens compagnons de Lénine, rentre tranquillement retrouver sa femme.

Digne d’un roman de Kafka ou d’Orwell, le scénario du roman d’Eugen Ruge n’en est pas moins basé sur des faits réels, seuls les dialogues ainsi que le nom de certains personnages étant sortis de l’imagination de l’auteur. Et c’est cette exactitude historique qui rend l’ouvrage à la fois passionnant et terrifiant. Passionnant d’une part car à la manière d’un Dix petits nègres d’Agatha Christie, on est anxieux de savoir si quelqu’un échappera à l’effrayante et absurde machine à broyer les vies du NKVD (qui deviendra plus tard le KGB). Terrifiant d’autre part car on réalise en lisant Le Metropol que tout le monde pouvait être accusé de trahison, ce qui favorisa l’instauration d’un climat délétère, propre à la suspicion et à la délation.

En nous replongeant dans l’URSS des années 30, l’auteur nous parle non seulement d’un pan de l’histoire familiale mais il met surtout en lumière de nombreux éléments qui expliquent le désastre que fut l’expérience communiste : la surveillance et la méfiance généralisée, le sabordage du système en éliminant une partie des forces vives de la nation, le mensonge permanent. A l’heure où certains éléments réactionnaires voudraient réhabiliter Staline, il est bon de se rappeler le très lourd bilan de sa politique, dont les purges des années 1936 et 1937 ne sont qu’une infime partie.