« Madeleine Collins », triple jeu

Madeleine Collins
d’Antoine Barraud
Drame
Avec Virginie Efira, Bruno Salomone, Quim Gutiérrez
Sorti le 2 mars 2022

Dans ce drame franco-belgo-suisse, Virginie Efira incarne Judith, une traductrice quarantenaire qui mène une double vie entre la France et la Suisse. D’un côté de la frontière, elle est l’épouse d’un grand chef d’orchestre avec qui elle a deux garçons, de l’autre elle est en couple avec un livreur avec qui elle élève une petite fille.

Le dernier film d’Antoine Barraud donne du fil à retordre à son public, particulièrement aux spectateurs qui souhaiteraient avoir tout compris dès les premières minutes.

Les questionnements s’enchaînent : que signifie cette scène d’ouverture qui semble n’avoir aucun rapport avec le reste du film ? Comment Judith/Margot s’est-t-elle retrouvée avec deux familles bien distinctes dans deux pays ? Comment aurait-elle pu cacher une grossesse à son mari ? Qui est cette satanée Madeleine Collins qui donne son nom au film et semble briller par son absence ?

Alors que le scénario égrène patiemment des indices, petits morceaux par petits morceaux, les informations révélées laissent le public avec de nouvelles questions en lieu et place de réponses, et on se demande bien comment le réalisateur va s’extirper de ce sac de nœuds de manière crédible.

Pour ce qui l’en est du personnage de Judith, on sait dès le départ que c’est à sa chute que l’on assiste et que l’équilibre fragile qu’elle a réussi à maintenir pendant plusieurs années va se déliter sous nos yeux. La tension va cependant crescendo tout au long du film, car l’on se rend peu à peu compte à quel point l’héroïne s’est égarée dans bien plus qu’une double vie.

Le visionnage reste globalement angoissant, aidé par la photographie de Gordon Spooner qui rend l’action claustrophobe et pesante, hormis quelques notes de tendresse et d’humour éparpillés avec grande parcimonie.

On devine quelques subtiles références au Vertigo d’Hitchcock, notamment dans le choix des prénoms des différentes identités de l’héroïne – Madeleine et Judy pour le personnage de Kim Novak, devenant ici Judith et Madeleine.

Les ficelles du drame semblent cependant un peu moins maîtrisées chez Barraud et une question demeure même après la fin du récit : au vu de la situation d’ensemble, comment diable Judith a-t-elle réussi à maintenir sa double vie (et rester saine d’esprit) pendant autant d’années ?