Madame Bovary au Jean Vilar : une pièce tragi-comique brillante

De Gustave Flaubert, adaptation de Paul Emond, mise en scène de Sandrine Molaro, Gilles-Vincent Kapps avec Gilles-Vincent Kapps, Sandrine Molaro, David Talbot, Félix Kysyl, Paul Granier. Du 4 au 7 octobre 2017 à l’Atelier Théâtre Jean Vilar. Photo © Brigitte Enguerand

Sacré challenge que s’est lancé Paul Emond en souhaitant porter à la scène le célèbre roman Madame Bovary de Gustave Flaubert. Face à nous, quatre comédiens campent tour à tour les nombreux personnages de ce « monstre littéraire » écrit au 19e siècle. Un – ou plutôt une – seul(e) comédien(ne) incarne un même personnage de l’ouverture à la clôture de la pièce : Sandrine Molaro dans le rôle central d’Emma Bovary.

Pour les trois autres, c’est la farandole des casquettes et des fonctions ! Gilles-Vincent Kapps, Félix Kysyl et David Talbot se partagent à eux trois pas moins de dix personnages à un rythme effréné : du mari d’Emma Bovary à ses amants en passant par le pharmacien de campagne rempli de bagout à la belle-mère, le trio de comédiens fait preuve de nombreuses ressources (interprétation, musique, imitation, humour…) !

L’histoire est connue : Emma épouse Charles, un médecin de province, auprès duquel elle commence vite par s’ennuyer. Pétrie de romans d’amour, elle rêve de passions fougueuses et d’aventures exotiques. Elle tombe rapidement sous le charme de Léon, le jeune clerc qui part étudier à Paris. Puis devient la maîtresse de Rodolphe Boulanger (avec ses airs de Vincent Cassel, Gilles-Vincent Kapps interprète à merveille le crooner-séducteur !). En quête de luxe et de jouissance absolue, Emma dépense l’argent péniblement gagné par Charles dans des toilettes, des mondanités et du champagne… Au point de cumuler les dettes, d’hypothéquer l’héritage de son mari, et de ne trouver aucun amant capable de la sauver de son asphyxie financière.

Rire et légèreté malgré tout

Tantôt révoltée contre l’ordre bourgeois de l’époque, tantôt idiote et complètement naïve, Emma Bovary nous semble par moments bien ridicule, comme le souhaitait véritablement Flaubert. On reste cependant en empathie pour cette femme qui cherche à tout prix à accumuler les expériences sensuelles et sensorielles.

Les comédiens sont tous excellents et le spectateur passera à coup sûr un très agréable moment. Malgré l’histoire tragique de Madame Bovary, Paul Emond signe ici une adaptation où le rire et la musique permettent de supporter la complexité des thèmes abordés (soumission à la norme sociale, société bien-pensante…). Mention spéciale pour David Talbot qui campe un Charles Bovary mais aussi un politicien et un vendeur de tissus très juste, voire hilarant par moments !

A propos Annabelle Duaut 17 Articles
Journaliste du Suricate Magazine