[Avignon OFF 2023] La guerre n’a pas un visage de femme au Théâtre du Girasole

De Svetlana Alexievitch, adaptation et mise en scène de Marion Bierry, avec Cécilia Hornus, Sophie de La Rochefoucauld, Valérie Vogt, Sandrine Molaro et Emmanuelle Rozes. Au Théâtre du Girasole à 12h du 7 au 29 juillet (relâche les 10, 17 et 24 juillet). 

La guerre n’a pas un visage de femme débute par des interviews intimistes de femmes soviétiques  ayant participé à la Grande Guerre patriotique. Svetlana Aleksievitch, lauréate du prix Nobel de littérature en 2015, s’allie d’abord à le metteur en scène Viktor Dachouk pour réaliser, à partir des enregistrements de ces interviews, une série télévisée de 7 documentaires. En 1983, elle publiera finalement ces interviews sous forme d’ouvrage dont une partie sera temporairement supprimé à ses débuts par la censure en URSS et l’auteure elle-même. Ce livre constituera la première partie de la série documentaire Les voix de l’utopie dont la seconde, Derniers Témoins, évoquera la guerre vécue par des enfants. C’est à la première partie de cette série que Marion Bierry s’intéressera, la propulsant de nouveau sur les planches.

Le décor de la pièce consiste en quelques chaises et une table. Tout au long de la représentation, les actrices déplaceront les chaises et la table au fur et à mesure de leur histoire, occupant ainsi le grand espace de la scène du théâtre du Girasole. Toutefois, ces déplacements ne font pas sens et nous n’y trouvons aucun lien avec l’histoire racontée. Si une nappe blanche est placée sur la table lorsqu’un décès est évoqué, évoquant le linceul d’un cercueil, nous comprenons difficilement l’arrivée d’une nappe rouge. Est-ce en lien avec la sexualité des femmes évoquée à ce moment-là ? S’il y a une autre raison, nous ne l’identifions pas. La mise en scène nous semble bâclée et donne l’impression d’avoir été pensée dans l’unique but d’occuper l’espace. Nous remarquons également à un moment un instant de flottement chez une des actrices qui, chaise en main, ne semblait plus savoir où elle devait la placer et regardait autour d’elle avec hésitation, cela pouvant alors s’expliquer par un manque de sens dans ces nombreux déplacements. Les transitions nombreuses, quant à elle, se font en musique et sont relativement brutes, coupant chaque scène de manière assez désagréable, le public devant attendre en observant le décor être déplacé.

L’histoire, en revanche, est superbement intrigante et prenante. La plume de Svetlana Alexievitch nous entraine dans une réalité crue mais nécessaire. Interprétant cinq femmes soviétiques ayant participé à la guerre, nous retrouvons notamment Cécilia Hornus, connue pour avoir interprété Blanche Marci dans Plus belle la vie, ainsi que Valérie Vogt qui interpréta Claire Souchal dans la même série. Les cinq actrices présentent un jeu relativement homogène et une belle énergie qui semble pourtant parfois hésitante. Elles représentent chacune un corps de métier différent et portent un costume en adéquation avec leur personnage. Bien qu’elles suggèrent à plusieurs reprise être en réunion d’anciennes combattantes, incluant le public même comme nouveau membre et s’adressant alors à lui, la plupart du temps nous ne ressentons pas leur jeu comme une discussion entre elles mais plutôt comme un alliage de différents témoignages, hormis à certains rares moments où les actrices se répondent. 

Malgré une énergie intéressante des actrices et un texte riche, La guerre n’a pas un visage de femme présente une mise en scène creuse et non conforme à la volonté explicitée de nous retrouver à une réunion d’anciennes combattantes. Si le texte de Svetlana Alexievitch reste une oeuvre à découvrir, sa reconstitution théâtrale actuelle ne nous convainc pas.