« L’été où tout a fondu », l’enfer en toute élégance

Titre : L’été où tout a fondu
Autrice : Tiffany McDaniel
Editions : Gallmeister
Date de parution : 18 août 2022
Genre : Roman

Sur le bandeau violet de la couverture, se détache en grands caractères ce slogan vendeur : « Après Betty, le nouveau roman de Tiffany McDaniel ». Mais en réalité L’été où tout a fondu, gros morceau de la rentrée littéraire 2022, avait fait l’objet d’une première publication complètement passée sous silence, en 2019.

Pourtant on retrouve dans ce premier ouvrage, les mêmes ingrédients qui ont fait le succès de Tiffany McDaniel en 2020. Encore une fois, il est question d’une Amérique rurale marquée par la peur de la différence et le racisme, mais dont la violence est rendue touchante par une écriture pleine d’empathie. Quand Autopsy Bliss demande au diable de venir lui rendre visite, il ne s’attend pas à voir débarquer un jeune garçon à la peau noire et aux yeux étrangement verts, en salopette trouée. Mais que faire avec cet enfant qui jure être Satan ? Et d’où vient-il ? Dans une chaleur étouffante, l’apparition de Sal – contraction de Satan et Lucifer – devient le principal sujet de conversation dans la petite bourgade. Et plus la température monte, plus les esprits s’échauffent.

Nul doute, l’autrice américaine a trouvé sa marque de fabrique. Comme dans Betty, on est partagé entre l’extrême violence de vies sans espoirs, comme perdues, et la beauté d’une écriture qui paraît prête à guérir toutes les blessures. Côtoyant le registre du conte, l’autrice n’hésite pas à explorer le réel par le rêve. Elle prête à ses personnages des intentions fantasmées, décrites avec beaucoup de poésie, et qui pourtant expliquent parfois les pires agissements. Si dans Betty, cette forme de narration se justifiait par les origines Cherokees du père – et par la transmission de sa culture à ses enfants – dans L’été où tout a fondu, chaque personnage semble faire usage de la métaphore au quotidien, un peu sans raison. Mais on pardonne la gratuité de certaines images, du moment que ça apporte de la douceur au récit.

Autant que les personnages, c’est le décor qui donne du caractère à l’histoire. On ressent entièrement cette sensation d’enfermement dans un été brûlant et interminable (à moins que ce ne soit parce qu’elle nous est étrangement familière ?). On s’imagine assez bien cette petite bourgade qui, dans la colère, prend feu. On pense connaître ces bons vieux mécanismes qui entraînent la haine et pourtant Tiffany McDaniel nous met le doute. Loin du manichéisme de vigueur quand il est question du diable, elle dresse un portrait complexe des comportements humains et parvient à susciter chez nous, lecteurs, autant d’amour que de peine, autant de sympathie que de dégoût.