« L’Anomalie », une lecture prenante

Titre : L’Anomalie
Auteur : Hervé Le Tellier
Editions : Gallimard
Date de parution : 20 août 2020
Genre : Roman

On se questionne depuis toujours sur le pourquoi et l’insondable. A la portée philosophique, il faut ajouter le besoin de transposer à sa propre vie. Comment cette vie nous appartient, comment elle interagit avec la vie des autres. On recherche les références, les échos. On pourrait tout autant courir après l’anomalie.

Hervé Le Tellier est un auteur habile. Il possède, pour sa plus grande vertu, le style. Le sens du phrasé. L’occasion de cette nouvelle oeuvre est celle de l’hypothèse : comment l’Homme, le collectif, la mentalité commune réagiraient-ils face à la secrète anomalie ? Comment, individuellement, faire face à sa propre existence ?

Plusieurs protagonistes, comme autant de prénoms cités en paragraphes éponymes ont en commun un même vol et ils se retrouvent, sans se connaître, sans se croiser, au cœur du même phénomène. Entre étrangeté et curiosité, entre peur et chance. De quoi faire réfléchir sur la notion de sort et ouvrir encore la perspective de la réflexion.

C’est ainsi qu’on parcourt les routes de David, André et Joanna. Des turpitudes du créateur aux aspirations du chanteur populaire, de la mère de famille à l’amoureuse désenchantée. Des profils de vie divers auxquels on pourrait greffer les mêmes attentes, les mêmes valeurs mais que la faille vient, chacun à sa manière, mettre à jour.

L’Anomalie a l’avantage des lectures prenantes, celles qui invitent à en savoir plus. On est vite habité par les portraits successifs mais on regrette que la fin se précipite. Il faudrait – pour oser dépasser l’envie d’insondable – pousser un peu plus le récit. Avoir sous la lentille plus de matière à étudier, plus de pistes à explorer.

Hervé Le Tellier a fait le choix du mystère ; il dévoile de son histoire ce qu’il a envie de révéler. Voilà bien la liberté de l’écrivain. Un champ du possible, comme il en est. Une opportunité supplémentaire pour le lecteur qui, loin de la frustration, se fera ses propres hypothèses.