La peste : l’homme face au fléau

D’Albert Camus, mise en scène de Fabrice Gardin, avec Sébastien Hébrant, David Leclercq, Toussaint Colombani, Fabio Zenoni, Ronald Beurms, Freddy Sicx, Frédéric Clou, Bruno Georis et Luc Van Craesbeeck.. Du 16 octobre au 17 novembre 2019 au Théâtre des Galeries. Crédit photo : Isabelle De Beir

Oran, 1940. La ville algérienne est une cité morne et triste dont les habitants vivent enfoncés dans des habitudes inébranlables. Jusqu’au jour de l’arrivée des rats. On les retrouve morts partout. Il y en a chaque jour un peu plus. Des milliers de cadavres de rats envahissent les rues, les habitations, les usines. D’abord intriguée, la population finit par s’inquiéter. Puis, les rats disparaissent comme ils étaient arrivés : subitement. La fin de cet événement étrange marque le début d’un nouvel événement beaucoup plus tragique. Les gens tombent malade. Ils succombent à une fièvre incompréhensible. La liste des morts s’allonge. Sans cesse. Au début, les médecins ne savent pas quoi penser. Finalement, ils ne peuvent plus se voiler la face ; ils sont confrontés à une épidémie de peste. Les portes de la ville sont fermées. La cité est mise en quarantaine. Désormais, les hommes sont seuls pour faire face au fléau.

La peste interroge les gens à propos de ce qui est vraiment important pour eux. Elle les met face à eux-mêmes, face à la peur, face aux autres. Elle met en évidence les interprétations, les idées et les idéaux derrière nous nous cachons et qui guident nos actes. La mise en scène de Fabrice Gardin pénètre le spectateur, lui fait ressentir les émotions, l’oppression de l’attente et de la crainte d’être le suivant, la terreur à l’idée que demain soit encore pire qu’aujourd’hui. Le décor, mouvant, lumineux et coloré, s’adapte aux scènes et nous conduit à travers les lieux de la ville fréquentés par le docteur Rieux et ses compagnons de malheur. D’ailleurs, la mise en scène ne se contente pas de son côté visuel. Elle est aussi sonore de par la présence d’un musicien sur scène, anonyme comme toutes les victimes de la maladie. À la guitare ou au piano, il traduit les émotions en mélodies, les rendant encore plus réelles et encore plus touchantes.

Les acteurs sont à la hauteur d’un tel chef-d’œuvre malgré la complexité du sujet. Leur interprétation touche là où il faut, de façon dure comme l’exige le récit, mais de façon juste. En les écoutant, l’espace d’un instant, nous quittons notre fauteuil pour nous retrouvé nous aussi enfermer à l’intérieur des murs de cette ville à attendre une fin qui ne pourra être heureuse. 

La peste est une adaptation réussie de l’ouvrage d’Albert Camus, dans laquelle les émotions humaines les plus dures sont portées par l’ensemble des éléments qui font d’une pièce de théâtre une œuvre d’art. L’œuvre en elle-même porte un message fort qu’il est bon de rappeler : qu’en cas de malheur, il y a aussi du bon chez les hommes. Parce qu’il y aura toujours des hommes pour résister aux fléaux, quelles que soient leurs motivations.