« La force de nos bugs », quand la science démontre que l’erreur est humaine

Titre : La force de nos bugs
Auteur : Sebastian Dieguez
Editions : HumenSciences
Date de parution : 17 mai 2023
Genre : Sciences

Si nous connaissons l’adage selon lequel « la perfection n’est pas de ce monde », la science peut nous le prouver. Ainsi, dans La force de nos bugs, le neuroscientifique Sebastian Dieguez poursuit l’objectif d’explorer « des erreurs psychologiques du quotidien » afin de proposer une vision plus riche et complexe des êtres que nous sommes.

Nous sommes intrinsèquement dysfonctionnels

Sebastian Dieguez nous replonge dans des situations ordinaires répandues : faire un lapsus, avoir un mot sur le bout de la langue, une impression de déjà-vu ou encore une musique coincée dans la tête, décrocher lors d’une lecture, etc. Des éléments structurels comme la fatigue, le stress ou des distractions externes peuvent nous conduire à de la confusion et à des oublis. L’on peut aussi expliquer certaines erreurs par des associations mentales automatiques, phonologiques ou par certaines représentations culturelles et politiques.

Pour autant, notre propre constitution est elle-même dysfonctionnelle. Ainsi l’auteur présente-t-il le corps comme un « vaste assortiment d’approximations, d’oublis, d’inversions et d’erreurs ». Il nous invite à accepter deux réalités immuables et essentielles à notre humanité. D’une part, nous ne sommes pas parfaits. Nos mécanismes cognitifs sont fragiles et certains états, perçus comme des ratés, sont en réalité nécessaires à notre bon fonctionnement psychique. D’autre part, nous ne pouvons pas complètement élucider la nature de nos imperfections. Nous devons donc lâcher notre « besoin frénétique de toujours trouver une cause unique au moindre de nos comportements ».

Une démonstration dans l’air du temps

L’auteur mobilise des illustrations contemporaines. Il s’empare d’un jargon actuel (« gênance », « cringe », « reality shifting ») pour en analyser les enjeux. Il tire les conséquences de la modernité technologique, comme les smartphones qui nous conduisent à « scroller du papier » ou les GPS qui nous font perdre en capacités d’abstraction géographique. Il partage et vulgarise un très grand nombre d’expériences scientifiques, qui restent parfois difficiles à appréhender par des non-initiés. Cette difficulté se dépasse grâce aux traits d’humour présents à travers les différents chapitres. Derrière la diversité des anecdotes développées, le livre soulève de larges interrogations en termes juridique, philosophique et social.

Haro sur la psychanalyse

De façon générale, la psychanalyse en prend pour son grade. L’auteur condamne une vision « totalisante » de l’esprit humain selon laquelle tous nos lapsus, maladresses, infortunes et gaffes seraient des révélateurs de notre inconscient et possèderaient un caractère sexuel. L’on pourrait peut-être lui reprocher une perspective légèrement réductrice d’une méthode ayant aussi fait son autocritique quant à l’héritage freudien, et dont les clés d’analyse sont variées. Sebastian Dieguez propose néanmoins un retournement en nous incitant plutôt à explorer les conséquences psychologiques et sociales de nos erreurs.

L’humain idéal, à mi-chemin entre « contrôle parfait » et « laxisme intégral »

S’il est un peu difficile de renoncer à l’idée consolatrice que « rien n’arrive par hasard », une fois cette brève déception passée, la perspective proposée par l’auteur s’avère profondément décomplexante et déculpabilisante. Dans ce sens, La force de nos bugs nous fait du bien en nous invitant à nous amuser, à nous attendrir de nos gaffes et à être bienveillants et bienveillantes envers les autres et surtout envers nous-mêmes. Cette posture est propice – et nécessaire – à la créativité, à la découverte ou encore à l’humour. Comme Sebastian Dieguez, rejoignons « la longue tradition du burlesque, où la maladresse et l’étrangeté de nos comportements sont élevées au rang d’art ».