La désolation : Un ovni sur les Kerguelens

Scénario : Appollo
Dessin : Gaultier
Éditeur : Dargaud
Sortie : 03 septembre 2021
Genre : Fiction

Plus qu’un archipel français perdu en Antarctique, les Kerguelens composent le fantasme de l’explorateur 2.0. Ce sont des terres restées vierges, comme préservées de l’agitation humaine. Une faune exceptionnelle dont, jadis, ne profitait qu’une poignée de scientifiques privilégiés. Mais aujourd’hui, pour un prix déraisonnable, les touristes peuvent se joindre aux biologistes et au personnel contractuel qui assurent la pérennité de la base centrale : Port-aux-Français. Nul doute que ce paysage qui fait rêver stimule l’imagination des artistes. Il y a quelques années, le bédéiste Emmanuel Lepage montait à bord du Marion Dufresne, pour récolter les croquis qui composeront son Voyage aux îles de la Désolation. Dans un trait moins réaliste, c’est au tour d’Appollo et Gaultier de mettre en case ces terres indomptables.

La désolation n’est pas le récit « m’as-tu-vu » d’un artiste chevronné qui se vante par le dessin d’avoir réalisé un voyage que la plupart des gens ne peuvent se permettre. On ne sait d’ailleurs pas si les auteurs ont eu la chance de monter à bord du Marion Dufresne, seul moyen de rejoindre l’archipel dont l’île de la Réunion, voisine la plus proche, se trouve à plus de 3000 km. Mais qu’importe. Puisqu’il n’est pas question d’eux, mais d’Evariste. Le voyage est, pour ce professeur, une manière de fuir l’ennui de sa routine et le chagrin de sa rupture. Il découvre comment d’une aventure peuvent naître des amitiés insoupçonnées. Le bateau navigant sur les eaux antarctiques, en direction du quarantième rugissant, devient comme une bulle relationnelle dans laquelle chaque passager trouve sa place. Mais lorsque l’équipage quitte le navire pour rejoindre les tant convoitées Kerguelens, les choses se compliquent. Evariste se retrouve embringué dans une expédition dont il ne sortira pas indemne.

L’ambivalence de nos actions

Sans se complaire dans un récit moraliste, le scénariste réunionnais Appollo interroge notre rapport à la nature. Il questionne, par le biais de la fiction, ce qu’il y a d’ambivalent dans notre désir d’exploiter le sauvage pour mieux le protéger. Au service du propos, Gaultier imagine des dessins aux couleurs chatoyantes, presque tropicales. Calmant la saturation des couleurs, le dessin au trait rappelle autant la gravure que les bandes dessinées de Charles Burns et Derf Backderf. Le traitement graphique hachuré donne une direction à certaines cases, mais surtout une expressivité. On sent, traduite dans le dessin, toute la tension de l’histoire.