Koulounisation, quand devenir étranger chez soi impose des réponses.

© Thomas Jean-Henri

Conception et interprétation de Salim Djaferi. Du 29 novembre au 9 décembre 2022 au Rideau de Bruxelles.

Un spectacle intelligent et percutant, qui vous parlera forcement (littéralement).

Koulounisation, c’est une question de langage. Une question pour des réponses qui semblent se multiplier d’elles-mêmes. L’histoire des mots est parfois beaucoup plus significative qu’on ne pourrait l’imaginer. À travers un théâtre documenté, nourrit par son histoire et ses interrogations à propos de la colonisation française en Algérie, Salim Djaferi exploite la sémantique et l’idéologie du mot « colonisation » pour comprendre. Non sans nous arracher quelques rires, ce metteur en scène, acteur, auteur et performeur, formé au conservatoire Royal de Liège, creuse derrière l’absurdité dont fait preuve le langage pour dévoiler celle de l’Histoire.

Pourtant loin du modèle de la pièce moralisatrice, ce sujet fort nous apparait sous un œil nouveau, celui des mots. Si tout démarre d’une question, comment dire colonisation en arabe, les réponses font le reste du spectacle en dévoilant toujours plus de questions ; comment on arrive de cette identité à une autre ? Est-ce que la traduction de ma mère est la même que celle des livres ? Pourquoi on ne peut traduire un verbe en français quand le concept en lui-même vient de cette langue ? Est-ce que changer de point de vue modifie la réalité ? Et puis, il n’y a pas que le mot « colonisation » qui semble souffrir, « La Guerre d’Algérie » existe sous le mot de « Révolution » dans les librairies d’Alger. Le langage est aussi un motif de division, il y a ceux qui disent comme ça car ils ont vécu ça, et ceux qui disent autrement car ils ont vécu autre chose.

Salim Djaferi nous parle, ou plutôt nous explique, avec une voix posée, devant un public éclairé et présent, comment les mots fonctionnent et résonnent avec la vérité. Tout en occupant l’espace de manière symbolique, il nous fait une leçon de linguistique qui s’annonce révélatrice. Ses mouvements et actions sur scène sont réfléchis et suffisent à commenter la pièce en silence. Les exemples que l’acteur utilise dans son discours sont le meilleur moyen de comprendre les concepts théoriques de la langue, c’est là aussi qu’intervient son histoire et celle de ses proches. Un exposé pas comme les autres qui captera toute votre attention…