« Je ne vais pas jouer le rôle du Professeur de 100 manières différentes »

Entretien entre six yeux au Festival du Film Fantastique de Bruxelles avec Alvaro Morte, El Profesor de la Casa de Papel, et Jorge Daurado, réalisateur de Lost&Found, le film que Morte et lui sont venus présenter au festival. Un thriller dans lequel Morte brille par sa justesse après avoir consacré quatre ans de sa vie à la Casa de Papel. L’occasion de faire le point sur sa carrière et son avenir et d’explorer le monde du cinéma espagnol.

Olivier Eggermont: Bonjour tous les deux, c’est votre première fois au BIFFF ?

Alvaro Morte : Tout à fait et c’est même la première fois que je viens en Belgique. Mais j’ai entendu que le public était merveilleux et qu’il participait beaucoup aux films lors des projections (sourire).

Jorge Daurado : C’est pour ça que j’ai un peu peur (les deux rient). De mon côté, mon film Mindscape avait été présenté au BIFFF il y a quelques années mais je n’avais pas pu être présent donc c’est ma première fois au festival.

OE : Votre film Lost&Found traite de thématiques importantes et graves comme la prostitution, l’objectification d’êtres humains ou le deuil. Comment ce projet s’est-il déroulé pour vous deux ?

JD : C’est un film qui traite d’une thématique universelle : la façon dont certaines personnes en traitent d’autres comme des objets. Le personnage d’Alvaro travaille dans une entreprise qui récolte les objets perdus et les restitue à leurs propriétaires et il rencontre des personnes qui traitent quant à eux des humains comme des objets. Ces deux mondes s’entrechoquent et nous donnent une belle histoire.

AM : Nous avons travaillé ensemble depuis le début du film pour parfaire le personnage de Mario (ndlr: le personnage qu’il interprète à l’écran) et comme le dit Jorge, c’est très intéressant d’avoir cette personne qui personnalise les objets qui va être confronté à un monde où les humains sont considérés comme des objets. Ce sont deux mondes complètement opposés et c’est ce qui fait fonctionner le film. Ce que j’aime dans les thrillers comme Lost&Found, c’est la façon dont ils ne laissent pas le public respirer et où ils arrivent à nous surprendre. C’est cette tension qui est fondamentale dans ce type de film et qui garde son intérêt. Ici, dans Lost&Found, c’était aussi très intéressant de travailler sur la psychologie du personnage de Mario qui n’est pas quelqu’un de sûr de lui et qui a une certaine valeur mais qui n’est pas directement visible. Et avoir un anti-héros comme lui me paraissait intéressant.

OE: Jorge, comment c’était de travailler avec Alvaro pour ce film ?

JD : Cela faisait plusieurs années que nous voulions travailler ensemble. C’était donc une belle opportunité d’avoir ce projet où nous pouvions être réunis et cela a très bien fonctionné. Cela s’est fait de manière très naturelle et nous nous sommes très bien entendus.

OE : Alvaro, vous avez joué dans beaucoup de séries. Comment construisez-vous différemment un rôle dans une série et dans un film ?

AM : Pour moi, la différence la plus évidente est que la construction du rôle est plus fermée dans un film. On sait vers où on va, ce qu’il va se passer dans le film et comment ça va se terminer. Dans une série, c’est une autre façon de travailler car tu n’as pas toutes les informations en main, tu ne sais pas tout ce qu’il va se passer avec ton personnage. Du coup, tu dois garder un espace ouvert pour adapter ton personnage tout en gardant l’essence de ce qu’il est.

OE : Mais n’avez-vous pas peur d’être catégorisé comme un acteur de série ?

AM: Moi non mais je ne sais pas ce que pense le public. Je suis un acteur et je décide mes projets selon l’intérêt de l’histoire qui m’est présentée et si je peux apporter quelque chose au personnage qui se trouve devant moi avec honnêteté. Je ne fais pas de différence dans mes projets entre les séries ou les films. S’il y a une bonne histoire, je vais m’y retrouver. Mais chaque histoire requiert un format distinctif que ce soit en série ou en film. Les séries permettent de mieux développer une histoire et permettent des choses différentes qu’un film qui nous donne une temporalité plus courte. Mais je me concentre sur l’histoire et sur le personnage, pas sur le format.

OE : Vous n’avez pas fait beaucoup de films depuis la Casa de Papel. Vous choisissez vos films avec beaucoup d’attention ?

AM : J’essaie. J’essaie de faire des choses que je n’ai pas encore faites. Je ne vais pas jouer le Professeur de cent manières différentes. Ça ne m’intéresse pas de faire quelque chose que j’ai déjà fait. L’histoire m’intéresse, le réalisateur et sa vision m’intéressent, les acteurs avec lesquels je vais jouer m’intéressent. Et si tous ces points sont réunis, alors je suis tenté par le rôle.

OE : Le cinéma espagnol est mis à l’honneur cette année au BIFFF, comment expliquez-vous le succès incroyable de ce cinéma ces dernières années et son ascension fracassante tant au niveau des films que des séries ?

AM : Nous sommes plus libres dans notre cinéma. Il y a beaucoup de talents en Espagne et de grands professionnels et je pense que nous apportons une autre manière de voir les choses et de voir le cinéma que les Etats-Unis par exemple. Toujours avec une qualité de cinéma très haute et très complète.

JD : Il faut aussi dire que l’anglais n’est plus la seule langue véhiculaire pour le cinéma international. Aujourd’hui, les spectateurs sont aussi habitués à voir des films dans d’autres langues. En français, en espagnols ou dans d’autres langues. C’est quelque chose qui a beaucoup évolué sur ces dernières années.

OE : Il y a beaucoup de genres différents dans un festival comme le BIFFF mais quel genre vous plait le plus ?

JD : J’ai un faible pour les thrillers psychologiques. C’est un genre qui me plait beaucoup. J’aime beaucoup les films terrifiants comme Shining, plus que les films d’horreur. J’aime bien le fantastique aussi mais je ne suis pas un grand fan. Mais je suis aussi un grand fan des films Alien.

AM : De mon côté j’aime beaucoup le pouvoir qu’un film peut avoir sur le public mais le genre qui me plaît peut-être le moins c’est celui des films d’épouvante mais j’aime beaucoup la capacité de suggestion que certains peuvent avoir. Ma famille tenait un vidéo-club et nous avions donc souvent des films à la maison et E.T. est un des premiers films qui m’a marqué quand j’étais enfant.

OE : Pourquoi le public devrait-il aller voir Lost&Found ?

JD : Car c’est un film qui mélange un cinéma d’aventure et d’émotion avec des personnages forts et parce que la thématique, le message du film fait réfléchir.

AM : Et puis il y a un Alvaro Morte incroyable (les deux rient).

A propos Olivier Eggermont 117 Articles
Journaliste du Suricate Magazine