Indiana, l’épouse en cage et George Sand en case

Scénario : Claire Bouilhac, Catel
Dessin : Claire Bouilhac, Catel
Éditeur : Dargaud
Sortie : 15 septembre 2023
Genre : Roman graphique

Hélas ! Point de répit pour les cœurs émotifs. Indiana est une romance, certes, mais une romance terrible qui brise les éconduits. Même si les ennuis ont commencé, pour Indiana, le jour où elle s’est offerte à un commerçant riche et violent, le véritable drame de son existence ne fut pas l’échec de sa vie maritale. Oh, diable non ! Le malheur s’est immiscé chez elle, sous la forme bien plus agréable d’un élégant jeune homme qu’une balle tirée accidentellement par l’atroce époux, avait blessé. Pauvre Noun, la pulpeuse femme de chambre, qui s’est directement laissé enjôler par ses paroles enchanteresses. Il l’a conquise, la mise enceinte et lui a préféré sa maîtresse, la pâle et maladive Indiana. Le séducteur, incapable d’organiser ses tromperies, commence bien vite à se compromettre. Il s’embrouille dans ses promesses, donnant lieu à des quiproquos shakespeariens dont l’issue ne peut être, évidemment, que tragique.

Mais Raymon n’en a cure. L’amour est un jeu, dont l’objectif est de posséder. Fuis-moi, je te suis. L’adage résiste à toutes les époques. Même à celle des corsages et des redingotes. Indiana n’est plus tout jeune. La chronique sentimentale dans laquelle nous transportent Bouilhac et Catel n’est pas une œuvre originale mais l’adaptation d’un roman éponyme écrit par George Sand. Après ses biographies de femmes importantes qui ont ouvert la brèche de son succès, Catel attaque un nouveau chapitre de son œuvre, en s’intéressant, toujours aux femmes bien sûr, mais cette fois par le biais de la littérature. Avec Bouilhac, elles s’étaient déjà donné pour mission, n’en déplaise à Sarkozy, de dépoussiérer la Princesse de Clèves. Dans cette nouvelle tentative, elles ont, délibérément, choisi de se tourner vers un ouvrage peu connu de la dame de Nohant, pour ses résonances autobiographiques.

Aspect pédagogique

Plus que la modernisation d’un roman, aujourd’hui tombé en désuétude, c’est l’aspect pédagogique qui intéresse les autrices. Pour elles, l’un ne va pas sans l’autre. L’ Indiana de Bouilhac et Catel, en respectant les incartades politiques du roman et le français de l’époque avec une théâtralité assez amusante, aurait pour vocation de montrer aux jeunes que la vieille littérature peut être instructive sans être ennuyeuse. Cette liste de vieux classiques qu’on vous impose à l’école ne sert pas juste à assouvir les pulsions sadiques de certains professeurs. C’est un héritage qui fait écho aux luttes actuelles. Malgré la naïveté toute naturelle dont elle fait preuve – après tout, elle s’accroche au seul espoir pour elle de sortir d’une union toxique – Indiana est une femme de caractère. Elle est loin d’être l’épouse éplorée qui ne tient pas tête aux hommes qui l’oppriment. Malheureusement, elle reste une figure témoin de la pauvre condition de la femme à cette époque.