« Hoja Santa », des femmes, des couleurs et des feuilles

Titre : Hoja Santa
Autrice : Maya Art
Editions : Actes Sud
Date de parution : 4 octobre 2023
Genre : Arts, Photographie, Société

Hoja Santa s’observe avant même qu’on ne l’ouvre. Deux grands yeux verts et fardés nous accueillent et nous invitent à détailler les nervures de ce visage composé de feuilles et de racines. Quand on ouvre enfin l’ouvrage, une femme tient notre regard. Maya Art révèle ainsi son projet : capter la puissance de femmes provenant de villages afro-mexicains, plus précisément la communauté de Costa Chica à Oaxaca, dans un mélange de spiritualités diverses.

Hoja Santa se lit comme on déambule dans une exposition. Peu de mots commentent ce qui est donné à voir. Des visages de femmes, parcourus de traits de peinture colorés, des jeux de collage, des photos d’arbres ou du village en question où les traces de modernité ne sont pas toujours gommés, des entrailles de vaches tuées dans le cadre d’un rituel, l’ancienne peau d’un serpent, etc. On cherche des liens, des connections. Les plantes deviennent humaines, les femmes des fruits, les morts des vivants. Tout semble clair, entremêlé pour mieux révéler un seul fil.

Maya Art écrit aussi des textes qu’il faut révéler en plongeant nos mains dans les tripes. Ses mots sont bruts, descriptifs, moins puissants que l’image mais diffusant un parfum d’étrangeté continu. Elle observe la vie de femmes, en 2017, femmes qui sont mises à l’honneur ici. Des veuves, des femmes élevant leurs enfants seules, des guérisseuses, etc.. Les hommes sont mis à l’écart, eux et leur violence historique. L’artiste les rend dignes et fières, ces différentes femmes, derrière son objectif, leur donne une place sans jamais, il me semble, essentialiser le féminin. Les liens entre nature et féminité sont rehaussés par de mystérieux traits de couleur, comme laissant voir une infime partie d’un monde invisible, magique et naturel.

Hoja Santa se révèle être un livre subjuguant : on fait l’expérience de l’intérieur de ce village que les mains et les soins des femmes fait vivre, on explore comme des anthropologues, avec curiosité, les corps endormis, épuisés par la fatigue, l’inertie des rues, la rondeur des ventres, un monde où les femmes ont leur mot à dire, vaste univers enfoui parcouru de lianes multicolores, reflet de croyances, d’esprits et de rituels liant la vie naturelle au trépas des êtres.