« Hamnet », ou un roman intemporel

Titre : Hamnet
Autrice : Maggie O’Farrell
Editions : 10/18
Date de parution : 7 avril 2022
Genre : Roman

Hamnet est le huitième roman de Maggie O’Farrell. Il s’agit d’une fiction historique qui confronte le lecteur au pire cauchemar d’un parent : la mort d’un de ses enfants. L’histoire se déroule à Stratford, en Angleterre, à la fin du seizième siècle. Elle porte sur la mort d’Hamnet, jeune garçon de onze ans contaminé par la peste bubonique en 1596, et sur les répercussions émotionnelles, domestiques et artistiques de son décès sur ses parents, dont son père, dramaturge célèbre dont le nom ne sera jamais cité dans le texte, mais qui pourtant est connu de tous : William Shakespeare. En effet, le récit est ouvertement et librement basé sur la mort de son fils : Hamnet Shakespeare (1585-1596).

Dans ses différents livres, la narration de O’Farrell est rarement purement chronologique. Et c’est également le cas dans Hamnet où elle navigue d’une période temporelle à une autre : la première étant celle où le jeune garçon découvre que sa sœur jumelle Judith est gravement malade, et la seconde nous raconte les débuts de la relation de leurs parents, quinze ans plus tôt.

Dans la première temporalité, on rencontre Hamnet, enfant intelligent mais rapidement distrait, qui cherche désespérément de l’aide pour sa sœur jumelle tombée malade. Il fouille toute sa maison à la recherche de sa famille mais ne trouve personne, son père lui-même étant constamment absent car travaillant à Londres toute l’année. Le seul parent présent est son grand-père connu pour être très irascible et dont on lui a conseillé de rester à distance.

Dans la deuxième temporalité, on suit la femme de Shakespeare, qu’on connait comme Anne Hathaway, renommée Agnes. C’est une protagoniste au caractère puissant, un esprit libre et une guérisseuse qui, comme sa mère à l’époque, est en harmonie avec la nature, et se sent plus à l’aise dans les bois que dans la ville. Elle va rencontrer William alors qu’il travaille comme précepteur de latin auprès de ses demi-frères. Leur alchimie va être très perceptible et un premier baiser sera rapidement échangé, suivi par un coït qui va littéralement secouer toute une étable. Cet ébat est d’ailleurs décrit superbement et délicatement.

Hamnet capture l’intensité de la maternité à tous les niveaux : de la douleur de l’accouchement à la souffrance abyssale de la perte et du deuil de l’enfant. Son roman est parsemé de sombres pressentiments d’Agnes, comme le jour où Judith tombe malade et que sa mère est à plusieurs heures de là à s’occuper d’abeilles. Chaque vie a son épicentre, d’où tout découle et tout revient. Ici c’est le moment de l’absence d’Agnes : son fils, la maison vide, la cour désertée, tout la ramènera à ce moment pour le reste de sa vie.

Émotions fortes et prose lyrique sont présentes dans ce récit. Et encore plus intensément dans le passage de dix pages où O’Farrell retrace les différents éléments qui ont mené à la contamination de Judith. C’est une séquence qui tient à elle seule et qui nous touche d’autant plus à la lumière de notre situation pandémique actuelle.

Même si quatre cent ans ont passé depuis la mort d’Hamnet Shakespeare, le roman de Maggie O’Farrell reste intemporel et plus que jamais d’actualité.