À ciel ouvert : on est bien, on est ensemble

© Mario del Curto

Spectacle conçu et interprété par Victor Cathala et Kati Pikkarainen. A Latitude 50 à Marchin, le 20 mai et du 25 au 27 mai.

Le dimanche 28 mai, à 17h, sera projeté En équilibre, un documentaire de Pascal Auffray et Antarès Bassis qui suit le couple de circassiens dans ses questionnements à l’heure de devenir parents.

Quatre caravanes et deux remorques sont disposées en cercle autour d’un espace herbeux abrité d’une simple toile, À ciel ouvert. On dirait un campement manouche Dans la fraîcheur marchinoise (des plaids sont distribués à l’entrée), le public s’installe dans les gradins qui y sont aménagés, pas un espace n’est gaspillé.

D’une des caravanes, sort un violoniste sans archet. Le visage dissimulé par de longs cheveux sombres , il égrène quelques notes en sifflant. De l’autre côté du cercle, un homme imposant hirsute les vêtements pleins de paille sort avec fracas d’une autre caravane. Il s’approche d’une bassine en fonte pleine de paille, en prend à pleines mains, s’en met partout, puis, il y allume une flamme et retourne dans sa caravane.

En face, à nouveau, la porte d’une caravane s’ouvre et une femme se précipite, manifestement prise d’un besoin pressant, vers la porte d’une autre caravane. Elle frappe, n’obtient aucune réponse, rebrousse chemin. Commence alors, entre la femme et trois hommes, un chassé-croisé qui les voit entrer par une porte, sortir par une autre, se croiser, s’éviter. Tous affublés d’une cloche des alpages, ils sont dirigés, à la manière d’un troupeau de bovidés, par l’un d’entre eux, se permettant, évidemment, quelques portés… Les animaux singés ont la décence de ne pas monopoliser l’attention du public outre-mesure, laissant la place à de véritables bêtes de cirque : quatre poules, trois pigeons et deux canards.

Le Cirque Aïtal (« c’est comme ça ! », en occitan) a été créé en 2004 par la Finlandaise Kati Pikkarainen, aux allures de poupée d’1m53, et Victor Cathala, géant des Pyrénées qui mesure 1m90. Le Cnac (Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne) sera le lieu de rencontre de ces deux physiques antinomiques, désormais partenaires, à la piste comme à la campagne. En 2011, ils créent Pour le meilleur et pour le pire où ils racontent leur vie de couple nomade flanqué d’une indécrottable Simca 1000 qui a aujourd’hui plus de 500 représentations au compteur.

Mais après ce blockbuster très physique qu’ils continuent de pratiquer (au moins en répétition) et la venue de deux enfants (qui apparaissent dans À ciel ouvert), ils retournent, en quelque sorte, aux sources. « Nous avions envie d’aller vers plus de fragilité, vers moins d’abstrait et plus de réel, explique Kati Pikkarainen. Nous voulions quitter le confort du chapiteau pour aller vers quelque chose de plus ouvert où, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il fasse chaud ou froid, on soit en prise avec les éléments. »

Se succèdent ainsi une série de tableaux faisant la part belle à la discipline fondatrice de la compagnie, le duo main à main. Discipline compliquée mais parfaitement maîtrisée, ici. Mais le couple et ses acolytes (les musiciens Helmut Nünning et Hugo Piris) ne font pas l’impasse sur d’autres agrès comme le mât chinois (ou pole dance, selon le point de vue) et la bascule. Sans oublier d’y insuffler poésie et humour, comme cette séance de yoga, plus terrifiante que zen, dont les participants reçoivent l’injonction : « ouvrez-vous, sentez la nature, on est bien, on est ensemble ». Un régal.