Dressing Room : un corps sous le projecteur des regards

© Olivier Donnet

Ecrit par François Emmanuel et mis en scène par Guillemette Laurent. Avec Marie Bos. Du 20 janvier au 5 février 2022 au Varia.

Deux mannequins se côtoient sur scène, mais un seul est fait de chair et de sang. Et il fait froid dans le dos. À travers le personnage de Lol, le spectateur rentre par la porte de la mode et du prêt-à-porter pour aborder une question nettement moins superficielle : la question du corps et de son rapport à l’autre.

Derrière les refrains aux relents de publicités scandés comme un vieux disque rayé, ce n’est plus une mannequin mais un corps brisé qui se dévoile peu à peu. Le spectateur plonge dans le monde d’une femme qui répond à la perfection au diktat de la mode, une de ces sirènes qui illustrent les pages d’un magazine et sont sous le projecteur des regards. Mais le papier glacé est chiffonné et les sourires de Lol sonnent faux. Que se cache-t-il derrière ce corps parfait exposé comme un bel objet ? Quand les regards se transforment en arme, la violence n’a pas de limite. Le glissement s’opère doucement et les conseils mode sont remplacés par le récit d’un souvenir traumatisant d’une soirée empreinte de violence.

Un corps instrumentalisé perd-il ses droits ? À partir de quand le regard de l’autre devient-il une agression ? Au-delà de la thématique de la violence sexuelle et des questions qui en découlent, Dressing Room met en lumière des réflexions intéressantes : le corps objetisé par et pour le regard de l’autre.

Sans tomber dans du pathos et malgré certaines lenteur dans le texte, Marie Bos tient ce seul en scène avec habileté et une intensité dans le regard qui capte littéralement le spectateur. Choix de mise en scène assumé mais moins apprécié, le personnage se perd peu à peu dans ses pensées et son trauma, emportant avec lui sa clarté de langage. Côté scénographie, si on applaudit des deux mains l’intéressant travail réalisé autour du reflet et du regard, fil rouge de l’ensemble de la pièce, on ne peut s’empêcher d’être perplexe sur la fin proposée.

Même si Dressing Room ne brille pas par son innovation, la pièce met en lumière une série de réflexions intéressantes sur des sujets qui doivent sortir de l’ombre : la violence sexuelle banalisée et le regard de notre société sur le corps féminin.