Dalí & Magritte, une exposition exceptionnelle

Affiche de l'exposition Dalí & Magritte (MRBAB, 2019-2020)

Depuis le 11 octobre 2019 se tient aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique une exposition exceptionnelle qui réunit pour la première fois les célèbres peintres surréalistes René Magritte et Salvador Dalí pour fêter conjointement les 90 ans de leur rencontre, mais aussi et surtout le 10ème anniversaire du Musée Magritte.

Pour marquer le coup, les MRBAB exposent plus d’une centaines d’œuvres comprenant dessins, sculptures, photographies et bien sûr bon nombre de peintures réalisées par ces deux artistes, provenant de plus de 40 musées internationaux ainsi que d’un grand nombre de collections privées.

René Magritte, L'Annonciation, 1930, huile sur toile, Tate : Purchased with assistance from the Friends of the Tate Gallery 1986.
René Magritte, L’Annonciation, 1930, huile sur toile, Tate : Purchased with assistance from the Friends of the Tate Gallery 1986.

Qu’est-ce que le Surréalisme ?

Selon André Breton, dans sa tentative de définition parue dans le Premier Manifeste du Surréalisme en 1924, le surréalisme est une nouvelle méthode artistique et littéraire basée sur l’imagination et l’inconscient. Ces deux fonctionnements de pensée furent, selon lui, muselés par le “rationalisme absolu”, la civilisation et le progrès, mode de vie que les milieux bourgeois adoptent au sortir de la Première Guerre mondiale.

Breton décrit ce mouvement comme suit :

SURREALISME, n.m. – Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit par toute autre maière, le fonctionnement réel de la pensée.bDictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison en dehors de toute préoccupation exthétique ou morale.

En d’autres termes, à l’heure où les mécanismes de la pensée et de l’inconscient sont théorisés par Sigmund Freud, les membres du groupe surréaliste tentent à leur tour de faire parler leur inconscient à la recherche de la vérité cachée qui leur permettrait de faire transparaître le vrai sens de la vie.

Salvador Dalí, Naissance des désirs liquides, 1931-1932, Peggy Guggenheim Collection, Venice.
Salvador Dalí, Naissance des désirs liquides, 1931-1932, Peggy Guggenheim Collection, Venice.

Un mouvement artistique important

Si le surréalisme a fait date dans le développement de l’histoire de l’art c’est parce que, pour la première fois, les artistes se libèrent concrètement – et non aussi violemment que le fit le mouvement Dada qui le précéda – du carcan dans lequel les enfermait un académisme rigide et obsolète pour représenter non pas des objets, des paysages ou des personnages réels, mais en tentant de traduire le sentiment qu’ils leur inspirent par le biais d’hallucinations éveillées ou de visions apparues pendant leur rêves, obtenues par différentes techniques comme la méditation contemplative, la réflexion que peuvent engendrer le mariage de plusieurs objets complètement distincts, ou encore le lâcher-prise qui permet de libérer l’inconscient par l’écriture automatique ou l’anamorphose.

Jusqu’alors, les sujets peints restaient d’une banalité navrante dans un monde qui se transformait de manière très rapide, notamment à cause des nombreuses avancées technologiques qui firent leur apparition après la Grande Guerre, amenant son lot de questionnements sur l’absurdité de la réalité de la vie. D’où l’émergence du besoin de rechercher une autre forme de vérité qui se trouve profondément dissimulée dans l’inconscient. Ainsi, les artistes reproduisent pour la première fois l’imagination en s’affranchissant de tous liens avec la réalité, qu’ils finissent par rejeter de leurs recherches.

René Magritte, La clef des champs, 1936, huile sur toile, Museo Nacional Thyssen-Bornemiza, Madrid.
René Magritte, La clef des champs, 1936, huile sur toile, Museo Nacional Thyssen-Bornemiza, Madrid.

René Magritte vs Salvador Dalí

En parcourant l’exposition, on est frappé par la ressemblance de style que l’on découvre entre Dalí et Magritte. Leurs œuvres sont disposées selon les thèmes qu’ils abordent tels que le temps, la réflexion assignée à la représentation, les portraits, les objets, l’œil, ou encore leurs hallucinations respectives. Elles sont ainsi agencées de manière à créer un langage entre elles qui fonctionne tellement bien qu’on arriverait presque à les confondre. Pourtant, si ces deux peintres de génie se rejoignent sur la nécessité d’ouvrir leur esprit à un monde énigmatique en déchirant le voile de l’apparence, ils se démarquent et s’éloignent l’un de l’autre au niveau de leur représentation picturale et de leur interprétation des mêmes thèmes. En effet, alors que René Magritte tente de déconstruire la réalité en modélisant des objets qu’il considère comme des faits de langage, Salvador Dalí fonde son œuvre sur ce que la figuration a de réel amenant grâce à ses méthodes hallucinatoires, des visions qui font émerger des images ambiguës, des stupéfactions de l’inconscient. Dans cette optique, René Magritte et Salvador Dalí s’inscrivent en plein dans ce mouvement d’avant-garde qui éclot durant l’entre-deux-guerre.

Le mot de la fin

Que vous aimiez un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout l’histoire de l’art – et malgré le prix un peu élevé de l’entrée – on vous conseille grandement de faire un détour par les Musées royaux des Beaux-Arts pour découvrir Dalí & Magritte. L’exposition est très bien construite et met magnifiquement leurs œuvres en valeur dans un espace vaste et aéré où elles se répondent l’une l’autre, nous plongeant dans les méandres les plus obscurs de la pensée de leurs auteurs.

Salvador Dalí, La tentation de Saint-Antoine, 1946, huile sur toile, MRBAB, Bruxelles.
Salvador Dalí, La tentation de Saint-Antoine, 1946, huile sur toile, MRBAB, Bruxelles.

Pour tenter de percer un peu de leur mystère, quelques ateliers créatifs reproduisant certaines des techniques utilisées par Magritte et Dalí dans leur processus de création ont été mis en place dans le but de libérer la créativité de chacun. Également au programme, de nombreuses activités (visites-lectures, performances, Midis du Cinéma, conférences, visites adaptées pour personnes aveugles et malvoyantes) sont proposées autour de cette inoubliable exposition où vous pourrez découvrir, outre La tentation de Saint-Antoine (Dalí, 1946) et La clef des champs (Magritte, 1936), bon nombre d’œuvres inédites et rarement présentées au public.

On ressort de Dalí & Magritte tout chamboulé, la tête remplie d’images incongrues, de questionnements sans queue ni tête sur le lien entre titre et représentation, émotionné par l’étrangeté de leurs visions personnelles et intimes, reflets incomparables des questionnements agitant l’époque de l’entre-deux-guerres et des mécanismes de l’inconscient.

Infos pratiques

  • Où ? Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Rue de la Régence 3, 1000 Bruxelles.
  • Quand ? Du 11 octobre 2019 au 9 février 2020, du mardi au vendredi de 10h à 17h et le weekend de 11h à 18h.
  • Combien ? 16 EUR au tarif plein. Plusieurs tarifs réduits disponibles.
A propos Daphné Troniseck 254 Articles
Journaliste du Suricate Magazine