« Da Capo » déroule la chronique d’une famille circassienne animée par la passion

« Da Capo » du Cirque Ronaldo, sous chapiteau, à Latitude 50 à Marchin du 15 au 17 mars 2024.

Des roulottes autour du chapiteau, les mats, les cordages, les gradins à l’ancienne et la marmaille qui braille. Rien ne manque, sauf peut-être la piste circulaire, la sciure et l’odeur des fauves. Sur un plateau en longueur et « en dur », Danny Ronaldo, en costume sombre, s’avance et ouvre le spectacle dans un italien trafiqué au point d’être compréhensible des deux côtés de la frontière linguistique, et au-delà. Le maître de cérémonie annonce un moment exceptionnel, sous l’œil vigilant de la matriarche, sa mère Maria, qui va retracer la chronique familiale Cirque Ronaldo, « Da Capo » (depuis le début), soit le samedi 3 avril 1971.

Déboule une Renault 4L, très en vogue à l’époque, dont sort un homme vêtu d’une chemise à carreaux et d’un chapeau de cow-boy. Il est rembarré par un homme en smoking qui semble vouloir remettre les pendules à l’heure et replacer la naissance de la désormais institution au jeudi 16 juin 1842. Une très longue histoire, écrite par sept générations de circassiens à l’ancienne, va être déroulée sous les yeux ébahis d’un public venu en nombre.

Exit le véhicule à moteur, une nouvelle entrée se fait en fanfare, charrette à bras aux couleurs du Zirkus Wulf, et cracheurs de feu. Séduit par la magie des gens du spectacle et du voyage, le jeune Gantois âgé de 15 ans, Adolf Peter Van den Berghe, s’enfuit de chez lui pour s’embarquer dans la troupe itinérante. On le voit en petite main à tout faire, dans les coulisses du cirque en représentation hors de l’espace scénique.

À l’opposé de celui-ci, une scène de fortune accueille un Pierrot et une Colombine, malmenée par Arlequin, dans une scène de commedia dell’arte. Le jeune homme, rudoyé par le patron du cirque, brimé par les clowns fantasques, fait office de palefrenier s’occupant, notamment, d’un impressionnant cheval presque conceptuel habitué par deux hommes qui lui donnent vie. Il s’essaye à quelques numéros, maladroitement d’abord, et semble gagner ses galons de jongleur et de cavalier acrobate.

Mais son cœur s’est emballé pour la Colombine, Maria Cronenberg. Il l’approche, se déclare et l’épouse. Ensemble, ils créent leur propre compagnie qui combine le théâtre et le cirque, devenu au fil du temps la marque de fabrique du Cirque Ronaldo. La fête maritale est prétexte à jonglerie où volent assiettes, verres et bouteilles sur lesquelles la mariée, puis une jeune écuyère, se livreront à des numéros d’équilibre impressionnants, empruntant les pointes à la danse classique, excusez du peu…

Le Teater Van den Berghe traverse les années, les époques et les événements : l’avènement de l’électricité, le naufrage du Titanic, la crise de 1933, la guerre et ses lendemains plus radieux. Au fil du temps, il passe de la musique country au rock’n’roll, chaque étape étant l’occasion de célébrer les arts de la piste (théâtre, jonglerie, clowneries, musique, acrobatie, marionnettes). Jusqu’au moment où le cow-boy Jan Van den Berghe (cinquième génération), trouvant son patronyme incongru comme nom de scène, opte pour Johnny VDB avant de fixer pour la postérité celui de Johnny Ronaldo. La première représentation du cirque Ronaldo, le samedi 3 avril 1971, permet à l’antique RenaultL de faire son retour sous les projecteurs.

Dans un spectacle où le théâtre supplante quelque peu le cirque, « Da Capo » déroule la longue et fabuleuse trajectoire de cette tribu sous la houlette des représentants de la sixième génération, Danny (né en 1966) et David (né en 1969) Ronaldo. Mais la septième génération est déjà en piste (comme apparemment la huitième qui y pointe déjà le nez) dans ce cortège composé d’instants, de souvenirs, de rêves et d’hommage à tous ceux qui ont fait l’histoire. Avec, en point d’orgue, l’évocation émouvante du patriarche, Johnny, disparu le 7 décembre 2020.