« Cosmétique du chaos » : mise en garde contre la culture de l’apparence

Titre : Cosmétique du chaos
Auteur : Espedite
Editions : Actes Sud
Collection : Un endroit où aller
Date de parution : 5 février 2020
Genre : roman

Hasna a perdu son travail et se retrouve obligée d’accepter les opérations de chirurgie esthétique préconisées par sa conseillère de réinsertion dans l’emploi. Tous les frais sont pris en charge par l’organisme et un refus lui ferait perdre ses indemnités. Hasna se doit d’accepter ce changement de visage afin d’améliorer ses chances de retrouver du travail. Malheureusement pour elle, cette opération sera le début d’un long calvaire.

L’intervention, bien que réussie, est un traumatisme. Hasna ne veut plus se voir et ne parvient plus à discerner les visages des gens qu’elle rencontre. Elle tombe alors dans un étrange état dépressif qui va l’amener à entrer en résistance.

Cosmétique du chaos est une mise en garde contre la dictature silencieuse qui s’installe petit à petit dans nos sociétés. Ce roman d’anticipation à la deuxième personne pose la question de l’importance de l’apparence. En effet, Hasna vit dans un monde en surveillance constante dans lequel le visage sert de carte d’identité et où personne ne peut être anonyme. L’intimité n’existe plus et le ressenti personnel est banni au profit de l’image que l’on renvoie. Au-delà de ce visage et de cette image remodelée pour plaire aux employeurs potentiels, aux hommes, à l’Etat, c’est toute une personnalité qui finit par être niée. Un monde où le virtuel a pris le pas sur le réel.

Pour qui sait le lire, le comprendre et le ressentir, cet ouvrage effraye parce qu’il met en évidence les dérives possibles des réseaux sociaux et de la mauvaise utilisation que nous en faisons. Il s’agit d’un sujet passionnant, car il s’inscrit dans le présent et il met en garde contre les dérives de notre mode de vie actuel. Ce sujet n’est d’ailleurs pas sans rappeler 1984 et son fameux Big Brother.

Seul petit bémol, la rédaction dessert totalement l’histoire. En effet, l’écriture entièrement à la deuxième personne, les constructions de phrases, les métaphores et le vocabulaire utilisé rendent cette lecture difficile d’accès et élitiste. Alors qu’il s’agit d’un thème d’intérêt public, la construction du roman le place dans une tour d’ivoire difficilement accessible pour certains, notamment les adolescents qui sont pourtant les premiers touchés par cette culture de l’image. Au final, l’objectif poursuivi par l’auteur n’est pas clair et laisse un point d’interrogation dans son sillage.