« Cigare au miel », un film à ne pas manquer !

Cigare au miel
de Kamir Aïnouz
Drame
Avec Zoé Adjani, Amira Casar, Lyes Salem
Sorti le 6 octobre 2021

Selma, jeune fille de 17 ans issue de la bourgeoisie algérienne, vit dans le 16éme arrondissement de Paris. Alors que son corps s’éveille à la sexualité, elle se frotte à la difficulté de faire coexister sa double culture et de prendre sa place dans le monde. Incarné avec grande justesse par Zoe Adjani (la nièce d’Isabelle), ce personnage tout en subtilité est filmé par la réalisatrice franco-algérienne Kamir Aïnouz, qui signe ici un excellent premier métrage dans lequel l’histoire de Selma rencontre celle de l’Algérie à un moment clé de son évolution, pendant la décennie noire des années 90.

Dans ce film qui semble mettre en scène un roman d’apprentissage, le personnage principal n’est jamais hors de l’écran. C’est véritablement sa quête d’identité que l’on nous donne à voir. Qui est Selma ? Que veut-elle faire de sa vie et des diktats et injonctions que sa famille et ses parents font peser sur elle ? Comment concilier la France et l’Algérie en elle ?

Zoe Adjani, 21 ans, incarne avec brio cette époque fugace des premiers émois, avec le cœur qui bat la chamade et le corps qui découvre la sexualité. Tout ceci sur fond de patriarcat au sein de sa famille – alors même que son père (interprété par Lyes Salem) – qui se veut progressiste – est tiraillé par une culture millénaire de contrôle des femmes. Mais également, au sein de sa grande école parisienne, où elle doit composer avec les blagues salaces et les mâles conquérants. Sa sensualité naissante est l’objet de toutes les convoitises. Ses parents en sont bien conscients et bien que se défendant de vouloir lui proposer un mariage arrangé, ils organisent une rencontre avec un jeune homme à beau pedigree qui se révélera aussi maléfique qu’imbu de sa personne. L’interprétation de Zoe Adjani sonne juste tout au long du film, nous donnant à voir une Selma vulnérable, tout en étant fière et forte, et qui tient le spectateur en haleine par sa déconcertante dualité.

La beauté de la Kabylie face à l’obscurantisme religieux

Au-delà de Selma, ce film féministe dans l’âme croque un beau portrait de famille, avec au centre une mère qui se révèle à elle-même et une grand-mère kabyle qui ancre le sentiment d’appartenance. Le titre du film vient de là d’ailleurs, on les voit toutes les trois cuisiner une pâtisserie orientale – le cigare au miel. Amira Casar est brillante en mère arabe collé-monté. Mise face à ses contradictions par sa fille rebelle, elle interprète une mère qui décide de renouer avec son métier de gynécologue et de s’installer à Alger en pleine décennie noire car « ils ne soignent pas les femmes ». Un des aspects les plus intéressants du film est celui de nous donner à voir de l’intérieur  la double culture mais aussi le rapport à l’islamisme, et comment ont résonné l’arrivée du FIS et du GIA en Algérie.

Alors même qu’une partie du pays sombre dans l’obscurantisme religieux (des images d’archives sur l’Algérie en 1993 sont incluses), la réalisatrice nous donne aussi  à voir une Kabylie baignée dans la lumière et une certaine forme d’innocence. Dans ce film très personnel, Kamir Aïnouz a voulu mettre en parallèle deux adolescences : celle de Selma et celle de l’Algérie. Pour elle, « l’Algérie est comme une femme violentée qui essaie d’advenir, de survivre malgré l’extrémisme religieux des hommes ».

Kamir Aïnouz a puisé dans son histoire personnelle pour écrire et réaliser ce film, où la protagoniste principale parvient à s’émanciper, en composant avec ses multiples facettes. Bien qu’il y ait quelques maladresses, Cigare au miel est un film à ne pas manquer !