« Bobards ! Une brève histoire des plus gros mensonges », les mille visages de l’arnaque

Titre : Bobards !
Auteur : Tom Phillips
Editions : La Librairie Vuibert
Date de parution : avril 2021
Genre : Histoire, Société

« La rumeur ouvre ses ailes, elle s’envole à travers nous. C’est une fausse nouvelle, mais si belle, après tout ». Voilà ce que chantait Yves Duteil en 1987. Depuis… rien n’a réellement changé… Et c’est justement ce que nous propose de découvrir Tom Phillips dans son nouvel ouvrage !

Dans ce nouveau livre, Phillips propose de s’intéresser à la naissance du sensationnalisme, au travers du prisme des charlataneries, Fake News et autres mensonges politiques. Des hommes chauve-souris de la lune imaginés par Richard Adams Locke (1800-1871) aux monts de Kong de James Rennell (1742-1830) en passant par le Caciquat de Poyais de Gregor Macgregor (1786-1845), l’auteur propose un passage en revue de certains des plus grands mensonges de l’histoire récente aussi bien qu’une analyse du pouvoir des médias de masse.

Au-delà du côté parfois amusant des Fake News, l’auteur rappellera que « le journalisme est le premier jet de l’histoire », soulignant ainsi la gravité de certains canulars ou idioties de la presse et leurs répercussions sur notre connaissance de l’Histoire.

Cette recherche du sensationnalisme consistera, comme le résume assez bien Tom Phillips, à : « Trouver une aiguille dans une botte de foin en pleine tornade, alors que personne n’est à 100 % sûr que l’aiguille y ait été, que le fermier commence à renvoyer toutes les questions sur la botte de foin à son avocat, oh ! et que le gars de Reuters est arrivé deux heures avant vous et a déjà décroché une exclusivité avec la famille de l’aiguille. »

Ce faisant, il nous montrera encore à quel point nous sommes souvent crédules face à certaines informations, qu’elles soient issues de plateformes en ligne ou de médias traditionnels.

On pensera ainsi par exemple au sandwich que mangeait prétendument Gavrilo Princip au moment où la voiture de l’Archiduc François-Ferdinand d’Autriche s’arrêta devant lui. Heureux hasard permettant au terroriste d’assassiner le souverain et d’enclencher malgré lui le jeu des alliances qui donnera lieu à la Première Guerre mondiale. Cette histoire, relatée dans la troisième saison de la série Fargo et jusque dans les pages du magazine Géo étant en réalité une anecdote amusante mais totalement fausse, probablement née en 2003 dans un documentaire de la BBC réalisé par des spécialistes peu précautionneux.

L’auteur se penchera encore sur certains faussaires de génie comme Ferdinand Waldo Demara (1921-1982) aux États-Unis ou Vladimir Gromov dans l’URSS stalinienne qui cerna tellement bien le système bureaucratique soviétique qu’il parvint à ses fins en menaçant ses détracteurs de les dénoncer comme ennemis de la patrie, parvenant au final à échapper à la peine de mort en… écrivant une pièce de théâtre intitulée « Amour et Mère Patrie » !

L’histoire de ces faussaires de génie rappellera sans peine celle de Frank Abagnale Jr. relatée par Steven Spielberg dans Attrape-moi si tu peux (2002). En réalité, la grande majorité des personnages apparaissant dans les 288 pages de ce livre se prête parfaitement à l’adaptation cinématographique, tant leurs histoires semblent parfois incroyables – Ferdinand Waldo Demara aura droit à la sienne en 1961, dans Le Roi des imposteurs de Robert Mulligan, avec Tony Curtis dans le rôle-titre.

Et une percée dans le Septième Art, l’entrepreneur P.T. Barnum (1810-1891) en eut une, sous les traits de Hugh Jackman dans The Greatest Showman (2017). Sauf que dans la réalité, celui-ci était loin du personnage campé par l’acteur australien… Très loin, comme le montrera Tom Phillips !

Aussi cynique que ce dernier, Benjamin Franklin (1706-1790) émaillera quant à lui l’intégralité de l’ouvrage, tant il aura su faire preuve d’inventivité et, parfois, d’ignominie pour parvenir à ses fins, allant par exemple jusqu’à annoncer le décès d’un de ses concurrents, Titan Leeds (1699-1738), afin de récupérer les parts de marché de ce dernier.

Néanmoins, malgré l’intérêt que l’on pourra éprouver pour toutes ces histoires, on pourra parfois regretter qu’elles soient principalement concentrées sur le monde anglo-américain, ce qui pourra laisser le lecteur francophone sur sa faim. L’auteur abordera bien entendu le cas de Jeanne de Valois-Saint-Rémy (1756-1791) qui s’inventa une amitié avec Marie-Antoinette au point d’engager une prostituée pour jouer le rôle de cette dernière en public – contribuant au manque de popularité de la reine –, ou de Thérèse Humbert (1855-1918) et de son héritage fictif. Mais c’est à peu près tout, et l’on regrettera de n’entendre pas parler de Denis Vrain-Lucas (1816-1881), le « Balzac du faux » qui aurait mérité de figurer parmi les faussaires et bonimenteurs présentés dans ce livre.

Dans cette optique, on regrettera encore de ne pas voir de référence à l’anglais Donald Crowhurst (1932-1969), dont le mensonge constitue une histoire tragique qui aurait mérité un chapitre à elle seule. Mais il est bien évident que l’auteur aura dû limiter son exposé à certains éléments qu’il aura lui-même jugés marquants, au risque de devoir produire plusieurs tomes, tant l’Histoire recèle de mensonges et d’arrangements avec la Vérité !

Reste un ouvrage terriblement facile et agréable à lire. Le style est familier, sympathique, entraînant et le livre riche d’une quantité impressionnante d’histoires diverses et variées. On en regretterait presque que l’ensemble ne soit pas plus « historique » dans ses méthodes et son référencement des sources, afin d’apporter une assise plus solide au travail de l’auteur. Toujours est-il qu’avec cet ouvrage, Tom Phillips donnera sa validité à ce qu’écrivait autrefois Boris Vian, à savoir que : « L’histoire est entièrement vraie puisque je l’ai imaginée d’un bout à l’autre » !