« Le Volontaire », voyage en quatre générations

Titre : Le Volontaire
Auteur : Salvatore Scibona
Editions : Christian Bourgois
Date de parution : 9 janvier 2020
Genre : Roman

Le Volontaire s’ouvre sur les pleurs d’un enfant de cinq ans perdu dans l’aéroport d’Hamburg-Fuhlsbüttel et qui, en plus d’être non-accompagné, ne comprend visiblement pas les différentes langues internationales dans lesquelles lui sont posées de nombreuses questions. Pourquoi quelqu’un abandonnerait-il un si jeune garçon dans un endroit aussi hostile que puisse l’être un aéroport étranger ? Pour trouver la réponse, le lecteur sera transporté de la jungle vietnamienne à l’Amérique profonde, celle qui appartient aux laissés-pour-compte, en passant par New York et la Lettonie. Qu’ils aient été fermiers, soldats ou membres d’une communauté aux mœurs légères, c’est le cœur des hommes qui est disséqué dans cette histoire de filiation s’étalant sur plusieurs générations.

Salvatore Scibona. Son nom ne vous dit peut-être rien. Et pourtant, cet auteur américain encore peu connu du lectorat francophone est déjà fort apprécié outre-Atlantique, considéré à juste titre par le New Yorker comme l’un des jeunes écrivains à surveiller. Doté d’un véritable talent de conteur, il  parvient à mettre en scène des situations très justes et pleines d’émotions, en conservant une écriture adroite –  dense mais sans lourdeur. Le Volontaire est un ouvrage écrit pour ceux qui ne veulent pas qu’on leur mâche les mots, ceux qui préfèrent le voyage à l’arrivée et qui troquent volontiers un langage trop direct pour un style plus fécond. Et il arrive qu’il faille s’accrocher. Certaines intrigues se déchiffrent entre les lignes ou plusieurs chapitres plus tard car l’auteur joue avec la temporalité de son récit, alternant les points de vue et les époques, laissant certaines questions en suspens pendant plusieurs dizaines de pages. En somme, l’auteur s’amuse, et parfois plus que le lecteur, de la confusion qu’il peut créer.

Et ceux pour qui son nom est familier, ceux qui eurent le plaisir de se plonger dans l’univers de son premier roman, ne seront probablement pas surpris par ce deuxième récit dans lequel ce fils d’immigrant italien ayant grandi dans l’Ohio revient évidemment sur la question de l’identité, de la construction du moi et de la parenté. Il y a aussi, en sous-texte, un véritable propos politique et historique puisque les destinées de ces hommes s’inscrivent dans des contextes bien particuliers – la guerre du Vietnam, les sixties et le début des années 2000 principalement – et un regard parfois très critique sur la manière qu’ont les pouvoirs de gérer certaines situations. L’auteur évoque d’ailleurs beaucoup la culpabilité et la désillusion – comme autant de cicatrices que laisse la guerre, mais pas que, sur les comportements humains – et analyse ces émotions avec beaucoup de rigueur. Et surtout, il bouillonne d’idées. Débordant d’imagination, Scibona vous sort de son chapeau une histoire comme il n’en existe pas deux, particulière et particulièrement bien racontée.