L’Ecolier Kevin à La Balsamine

Ecrit et mis en scène par Jean-Baptiste Calame, avec Lucie Debay, Émile Falk-Blin, Fabien Magry, Réhab Mehal et Morgane Naas

Du 21 au 25 avril 2015 à 20h30 à La Balsamine

L’écolier Kevin a du mal à parler, à articuler et à s’exprimer. Il a des choses a dire à son père mais passé la lourdeur de ses mâchoires, rien ne passe vraiment. Un peu comme son amie qui peine à se faire comprendre à cause de son appareil dentaire. Le père, queutard jusqu’au bout du salami qui sort de son pantalon, ne l’écoute plus vraiment. A vrai dire, il se soucie plus que de la baby-sitter qu’il veut sauter et d’un café que de la récitation de son fils.

L’Ecolier Kevin raconte une époque où les parents n’ont rien laissé a leurs enfants et où les codes ont changé radicalement. La surconsommation à saturé le décor d’objets dont on ne sait plus quoi faire et qui finissent par gêner. Cette fracture entre l’humain et sa nature est géré de deux façons. Le père, pour se faire une fille, lui lance des confettis d’un geste mécanique, comme on obéit à une instruction d’un catalogue IKEA. Sa génération a créé cette aliénation et il n’agit plus que comme un robot.

Pour Kevin, au contraire, cette saturation crée un besoin de revenir à l’imaginaire, de transformer une planche et deux chaînes en pont levis. Cet ado-enfant et son amie ne vont pas à l’école européenne mais à Poudlard. Pourtant leur rapport à l’innocence a changé. Il est désabusé, ils jouent mollement, comme blasés, pour fuir une réalité qui aura trop vite fait de les rattraper. Et même s’ils se jouent de cette surabondance d’ondes et de matériel, ils sont conscients de l’absurdité du monde dans lequel ils évoluent.

La scène se fait l’écho de cette saturation absurde. Elle est faite de bric-à-brac. Un pouf trône au sommet d’une poutre, un pont levis de fortune monte puis se baisse, la senseo n’est pas branchée et tout cet intérieur entrelacé de fils, des ondes radio peut-être, est sur-connecté et empêche les corps de bouger. Tout est mis à contribution pour signifier un monde où l’homme est devenu esclave de la société de consommation et de la technologie, notre monde.

Lors de leurs passages gauches et empotés parmi ce désordre, les personnages se prennent dans les fils, cassent le décor et au lieu de construire une histoire la détruisent. Les fils reliés à des objets créent un raffut presque permanent qui empêche de comprendre ce qui se passe. Le monde ne fait plus sens, la pièce non plus.

Jean-Baptiste Calame aborde ce problème identitaire sur un mode absurde. Pour signifier le ridicule de cette situation, il crée un spectacle où plus rien n’a de sens. Comme le décor, tout est foutraque : les enfants jouent, se battent puis deviennent sérieux, disent de la poésie comme s’il s’agissait d’une liste de courses car plus rien n’est logique.

Si l’idée est louable, le côté potache de la pièce ne dépasse ni son point de vue de départ ni le ton absurde de son humour et on comprend très vite où la pièce veut en venir. On se laisse aller avec un peu de bonne volonté à l’ambiance farceuse, grasse, gratuite et peu subtile d’un spectacle où la communication à outrance a pris le pas sur le message. De fait, la pièce est bombardée d’informations directes et inachevées qui se téléscopent comme des onomatopées dans un joyeux capharnaüm et finissent par lasser.

Mais là ou Calame est intéressant, c’est dans la mise en scène. Il explose toutes les conventions, s’amuse du constat qu’il tire et nous donne envie de rire avec lui. Le problème est que si on n’aborde pas le spectacle avec une certaine dose de tolérance, on peut très facilement se retrouver sur le quai. Car rien de plus difficile que de traiter le vide sans s’y précipiter soi-même. Et on se demande s’il y est totalement parvenu. N’en reste que L’Ecolier Kevin garde un côté amusant grâce notamment à des acteurs de choix.

A propos Mathieu Pereira 121 Articles
Journaliste

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