Bételgeuse, l’explosion comme moteur narratif

De Marthe Degaille. Dramaturgie de Olivia Stainier. Avec Isabelle Urbain, Josépha Sini, Anaïs Moray, Malika Temoura. Du 15 février au 24 février 2024 à La Balsamine.

Au départ, Bételgeuse, c’est une étoile. Une supergéante de couleur rouge située à quelque 500 années-lumière de notre Terre. Sa particularité, c’est qu’avec son volume à peu près un milliard (oui, un milliard) de fois supérieur à notre Soleil, Bételgeuse est une étoile en fin de vie, prête à s’éparpiller en une supernova qui sera, d’ailleurs, visible de jour comme de nuit depuis chez nous. Le problème de cette explosion, c’est qu’on ne sait pas vraiment quand elle aura lieu. Plus vertigineux encore, en raison de la distance faramineuse qui nous sépare de Bételgeuse, on n’est même pas en mesure de savoir si elle n’a pas déjà explosé.

Ainsi, Bételgeuse, c’est une chose qui grandit jusqu’à exploser et se rendre visible partout, à tous et de manière durable sans qu’il ne soit possible de prédire la date de cette explosion ni même si, sans qu’on l’ait vu, elle a déjà eu lieu. C’est bien pour ces caractéristiques que Marthe Degaille l’utilise comme une allégorie de la révolte.

Dans un monde post-apocalyptique, quatre scientifiques à bord d’un vaisseau qui s’apparente au dernier reliquat de l’humanité travaillent sur le micro-métagène de la révolte. Mais ce contexte n’est qu’un prétexte. Car, derrière un champ lexical scientifique intense et procédurier se cache le désir de comprendre et montrer des interactions entre femmes. C’est ce mélange qui rend la pièce si intrigante, elle qui oscille entre la mission spatiale aux techniques futuristes et cette recherche de féminité, de sororité qui n’existe plus dans ce monde dépourvu de domination patriarcale. Mélange réussi toujours lorsqu’il s’agit d’entrechoquer les registres de langue. D’un langage aride et obscur amalgamant réalité scientifique et fantasme de SF on passe à une langue crue, grossière où le professionnalisme d’alors a fait place à un ton désabusé. De ces ruptures, Bételgeuse tire son rythme, son humour, sa réussite.

Le problème du mélange, c’est qu’il court plusieurs lièvres à la fois. À raconter plusieurs histoires, à explorer plusieurs thématiques, il est possible de perdre, comme un nœud si bien pensé qu’il devient impossible à dénouer. Ainsi, si l’ennui n’est possible que pour celles et ceux venus pour s’ennuyer, on ne sait pas bien avec quoi on ressort. L’objet intrigue après autant qu’avant, sûrement plus qu’avant même, et peut, donc, laisser un peu sur sa faim, comme si on en voulait plus, comme si on voulait être allés plus loin, comme si on nous en avait donné à la fois beaucoup et trop peu.

Peut-être que ce n’est finalement pas le but et que l’histoire est vouée à être ressentie plus qu’à être comprise. Si tel est le cas, Bételgeuse touchera autant son public qu’elle laissera un peu de côté celles et ceux qui ne vivent pas ou ressentent différemment ces choses. Ainsi, la pièce fait le choix de parler aux personnes à qui elle veut parler. On ne peut que louer ce choix tant il ne répond pas aux intérêts économiques que représente l’objectif d’universalité. Il en faut pour tous les gouts et tout un chacun doit trouver son compte quelque part. À la pseudoégalité nait de l’universalisme, on préfèrera toujours la justice nécessaire à l’expression de la diversité.

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