Interview de Von Durden pour leur nouvel album III et leur tournée

Une première question sur la difficulté de sortir un album… Voilà donc le 3e album, cela a pris un certain temps… Y’a-t-il eu des difficultés particulières ?

Nicolas Scamardi (NS) : Non, très honnêtement c’est Christine Verschorren qui s’est occupée du mix ; ses références, c’est notamment Ghinzu…une grande dame du mix. Elle  a mis le temps, mais on  lui a pas mis la pression non plus, on voulait juste que ce soit bien fait. Et comme c’est quelqu’un qui prend beaucoup de recul sur les choses, qui recommence, qui est pointilleux, ça a pris ce temps- là.

Donc les enregistrements en studio étaient déjà faits depuis un certain temps.

Kevin Dochain (KD) : Oui… un an. Mais aussi elle avait beaucoup de projets en même temps. Comme elle voulait apporter sa touche, elle voulait prendre le temps de faire les choses bien. Donc c’était quelques fois mis un peu de côté…

ND : Ça a pris le temps qu’il fallait, pas dans le stress.

Au niveau des compos, elles sont venues assez vite après le second album ? (Dandy Animals, 2011)

NS : Ouais, on enchaine souvent… quand le premier était fini on en avait déjà deux –trois du deuxième. Et ici on avait déjà beaucoup de matière au sortir du deuxième. Ouais, ça va relativement vite… On a pas de plage, de temps d’un an ou deux ou l’on prend la réflexion de ce qu’on compose…

KD : On compose tout de suite, après il y a un tri qui se fait …

…à partir de combien de démos à peu près ?  

NS : On a peut-être fait une vingtaine, trentaine de maquettes qui étaient destinées au troisième. Et là on en a gardé que dix, pour ne garder que les super essentiels.

KD : Puis y a des idées de bases de morceaux, où parfois on a juste un couplet, un refrain puis delà, soit on se dit –est-ce qu’on le continue jusqu’au bout ou on le laisse là où il est …

NS : C’est ça, ou bien on prend deux parties qu’on met ensemble…

KD : oui, voilà, y’a beaucoup de bricolage… Je crois même qu’il doit y avoir un couplet ou un refrain d’un vieux morceau qui date du début qu’on a remis en bridge dans un morceau.

NS : C’est l’avantage quand tu fais du rock, c’est tout le temps les mêmes accords, donc tu peux faire ce genre de chose ! [Rire]

Dans la pochette, il est écrit « Recorded in live conditions (mostly) at Pyramide Studio ». C’est quoi la proportion de ce mostly ?

NS : Il y a quelques dub, et encore c’est juste qu’il y a deux-trois parties … Pour schématiser, les solos ont été refait avec la partie rythmique solide derrière…

KD : Même pas ! En fait, on juste rajouté une guitare rythmique en plus ici ou là…

NS : Mais il y en a très très peu…

KD : En fait, toute la base a été enregistrée en live en studio.

Avec la voix ?

KD : Non, voilà, la voix est à part.

NS : Et pour en revenir à Christine Verschooren, et pour en revenir à la production en studio, il n’y a vraiment pas eu beaucoup d’overdubs. Normalement pour avoir un mur de son très large, t’accumules deux trois grattes ; mais Christine elle était pas vraiment partisane de ça, c’est pour ça qu’on dit qu’il est live. Par exemple quand il y a un riff de guitare, bien souvent il seul. Et elle a donné beaucoup d’espace à chaque son « simple » si tu vois ce que je veux dire. C’est pour ça que ça sonne en même temps large d’épaules et même temps y’a plein d’air. Et il y a plein de choses, mais c’est des choses qu’on a faites sur le moment. Pas beaucoup de dub du tout.

KD : On a pris beaucoup de temps sur les voix après, mais il [Elliott] chantait avec nous pendant les prises. Y’a même des prises témoins qu’on a gardées. Mais oui, après il y a eu un gros travail sur les voix… Elliott l’a dit au sortir du studio…

NS : Expérience terrible, elle [Christine Verschorren] le triturait, le poussait dans ses retranchements. Elle a une manière de penser différent des autres ingé-sons, ça c’est une certitude. Pour moi c’est une sorcière du son, pour le côté chimique, tu vois, avec des ingrédients, etc. et au premier abord tu te dis « Whoua mais qu’est-ce qu’elle raconte, putain, où elle veut en venir… !?», et après au bout du compte, on a tous fait « whow », ok. Vraiment, tous.
Moi j’avais déjà un peu bossé avec elle, donc je les avais prévenus un peu les quatre autres, en disant – les mecs … !

…C’est un personnage…

NS : Ouais, essayez de comprendre ce qu’elle va dire !

KD : Oui elle nous disait des trucs…Genre, jouer en s’asseyant sur notre pelvis ou ce genre de trucs ! [Rire]

NS : « Entrez en connexion avec sol, les énergies » et tout ça… On a pas tout compris honnêtement. Mais la moitié qu’on a compris on l’a bien utilisé !

KD : Dans les voix qu’on a bien bossées après, elle a fait faire à Elliott des prises complètes où il doit chanter avec une voix comme ça [Imitation d’un asthmatique qui s’étrangle] Et elle l’a gardé ! On ne l’entend pas concrètement dans le mix, mais ça donne une couleur.

NS : Elle superpose des matières et des émotions … On a redécouvert un peu notre musique. Très honnêtement. Surtout notre mix. Elle colorié ça avec des couleurs dont je ne connaissais pas l’existence…

Et toi Nico, tu as souvent un rôle de producteur. Ici, tu t’es mis en retrait…

NS : Oui complètement. C’est vrai que pour les autres je suis un peu plus impliqué. J’aime bien faire la direction artistique. Et là je me suis fait violence, franchement, pour laisser ça dans les mains de cette sorcière ! Et j’en suis vraiment très content.

Un contrepied du deuxième album, très produit.  

NS : On est mal placé pour juger, mais je le trouve présomptueux, ce deuxième album. Il était réfléchi de manière bizarre, très fouillis.

Ça partait dans beaucoup de sens, effectivement…

NS : Mais ça manquait de sincérité.

KD : Chaque morceau individuellement est travaillé, mais après oui, ça partait dans tous les sens. Tandis que sur celui-ci, on a une énergie commune. Et le fait que cela ait été enregistré en live fait que tout se tient. C’est un espèce de témoignage de deux semaines d’enregistrement, de notre de vie à nous 5, 6 si on compte Christine …

Avec l’ambition de sonner comme en live ?

KD : L’énergie, oui, ça on voulait la retrouver. Maintenant le son, avec la prod en plus, c’est différent. Y a des tricks de batterie, ou des effets sur les voix qui font que ça sonne pas tout à fait comme en live, mais l’énergie reste là et c’est le plus important.

NS : D’ailleurs y’ a plein d’imperfections, honnêtement, mais c’est même plus que ça, c’est du charme.

C’est organique.

NS : Complètement.

KD : C’est pas joué au clic, déjà.

NS : Non elle a refusé ! Elle n’aurait pas fait le disque si je jouais avec les clics ! Moi je lui dis « mais c’est mieux pour replacer les refrains… », là-dessus « Quoi !? Replacer les refrains, mais t’es dingue ! »…

Vous avez anticipé l’enregistrement avec beaucoup de répèts j’imagine.

NS : Pas tellement que ça en fait…

KD : Mais ils étaient quand même bien bien rodés les morceaux …

NS : Ah oui, ça t’es obligé.

KD : Chaque fois, avant de commencer les morceaux, on faisait travail pour bien savoir ce qu’on utilise : guitare, basse, batterie, claviers pour qu’on soit bien sûr que tout sonne bien. Et faire en sorte que les sons de basse guitare et clavier se complètent et se suffisent à eux-mêmes, sans qu’il faille gonfler avec des machins à l’octave, ou en stéréo…

NS : Oui, elle a donné plein de largeur et de couleur aux choses simples qu’on faisait.

C’est très audible sur le final de « World on top », qui est bien balèze, on est à la limite du prog…

NS : Ah ouais complètement… La première fois qu’on l’a écouté, je me rappel, il y a une partie où ça revient sur le ‘tanana-nana-tanana-nana ‘, où elle a enlevé les reverbs. Et là je me dis, mais qu’est-ce qu’elle a branlé, et qu’après elle les remet… Y a un travail de dingue sur les reverbs ! De dingue.

KD : Et de placement dans l’espace aussi. Dans le mix en stéréo, l’image elle est incroyable. Tout est précis. Quand tu écoutes ça au casque, tu te dis le guitariste, il est là – à droite-, il est pas doublé avec un copain là et autre là, [fait des gestes à gauche, au milieu], et le batteur il est là et sa cymbale elle est là… Tout est précis.

D’où vous viennent les structures des chansons ? Bien souvent, même si ça reste des chansons rock, c’est assez élaboré…       

NS : C’est pas réfléchi…

KD : Honnêtement, ce qu’on veut faire c’est pour mener le morceau jusqu’au bout. Il y a des morceaux où il y a quatre refrains, d’autre un seul… Et c’est parce que c’est là que le morceau devait aller.

NS : Et à peine arrivé au moment où on se dit ‘wow, c’est cool’, on aime bien, on va pas se prendre la tête et le fignoler comme des porcs pour essayer d’arriver à quoi ?quelque chose qu’on sait pas… L’important c’est le moment où on a bon, tu vois.

Est-ce que faire du rock en 2014, c’est une posture passéiste ? Beaucoup de groupe prennent des virages électro…

NS : Moi je vais répondre qu’on ne sait faire que ça !

KD : Et c’est ce qu’on aime, c’est ce qu’on écoute.

NS : Je me vois pas faire autre chose… On va peut-être y arriver, mais là en l’occurrence, non…

KD : C’est ce qui est le plus honnête de notre part, tout simplement. C’est pas réfléchi dans sens où ‘ah et bien il y a tel groupe qui marche bien en ce moment, on va faire le même style qu’eux comme ça on va vendre des disques». On fait la musique qu’on aime.

NS : Et je trouve qu’on a réussi à se renouveler sur ce troisième, tout en restant nous-mêmes. On change pas fondamentalement, ça reste la même énergie, des riffs qui nous correspondent, avec des beats…voila. Mais je trouve que cet album est quand même différent. Il a un côté beaucoup plus humain que les autres.

Au début de Von Durden, il y avait une série de concepts, des visuels. Avec les années, vous vous en êtes détachés. Est-ce qu’un univers sonores doit passer par un univers visuels, pour le dire autrement ?

KD : Ça nous a aidé au début, ça c’est clair. Pour se faire remarquer… Puis on n’était pas aussi rôdé à l’époque…

NS : …ouais, y’avait un petit peu d’ “outils” en plus que notre musique… Mais encore une fois c’était pas réfléchi. On était fan de Tarantino, de ces conneries là, Reservoir Dogs,…les cravates jaunes ? Ouais c’est une bonne idée, on essaye, ça a de la gueule, on y va. On se pose pas plus de questions que ça. Maintenant, peut-être l’âge, tout ça… peut-être qu’on a moins de sous pour se payer des cravates… On s’embarrasse plus … des effets séduisants …

KD : c’est ça, on s’embarrasse plus …

NS : On propose ce qu’on fait de mieux : la musique. On l’a dit au Botanique, désolé pour ceux qui aiment bien, mais y’aura pas de décors, pas d’invité, etc. On va juste taper des morceaux pendant une heure, le plus sincèrement possible, et à fond la caisse. C’est ce qu’on fait de mieux.

Kévin, on te connait surtout comme guitariste rythmique. Est-ce que ça te plait aussi de faire les (rares) solos ?

KD : Heu… je sais pas… Moi je joue… J’ai pas envie de faire un solo, je fais un solo quand ça sonne bien dans le morceau. Et souvent ces des trucs un peu écrits…

NS : Soit c’est des thématiques, donc un peu composé. Soit c’est du freestyle, et dans le genre, lui c’est le numéro 1 ! Mais l’emmerdant, en répet, c’est qu’il te pond un truc où “putain, ça tue, refais-le ! ” [rire] et il va te mettre la même énergie, la même sincérité, mais jamais il va faire deux fois le même truc !

KD : Maintenant est-ce que je suis un guitariste soliste ?….

NS : Non, c’est pas un guitariste soliste. C’est un guitariste rythmique de feu !

KD : Mais en fait, la branlette, ça m’emmerde, et j’ai pas envie d’emmerder mon monde…

Et donc la formation est fixée avec une guitare…

NS : Deux grattes ça va t’apporter plus de puissance, et encore un fois, on aime bien que y’ait de l’espace et de la couleur. Donc une guitare, ça me parait plus judicieux par rapport à ce qu’on veut proposer. Mais ça veut pas dire qu’on viendra pas à deux grattes, on en sait rien, on est pas contre.

KD : Oui, ça marche bien comme formule. Pour les chansons qu’on fait maintenant, y’a jamais un moment où on s’est dit qu’il faudrait un deuxième guitariste. Et de toute façon être à six dans un groupe ça devient un peu beaucoup… C’est déjà compliqué comme ça de gérer des répets quand on est à 5 et qu’on est dans des groupes à côté alors une personne en plus…

Toi, Nico, en tant que compositeur principal, et batteur, comment tu construis les maquettes ? Tu pars d’une grille d’accords, des rythmiques ?

NS : Non, je prends la gratte… J’ai eu ma période où c’était beaucoup la guitare… Tu vois j’ai un bête pod line 6, je mettais un son qui m’inspire. Soit ça. Soit quand je me couche, putain, j’ai une idée quand je dois m’endormir. C’est très très souvent comme ça. Donc avant je ne dormais pas ! Et sinon, j’utilise aussi un dictaphone, donc  je peux faire «lalala nananana”. [rire]
Puis j’ai un petit studio à la maison, je fais les maquettes de base, puis les autres ajoutent leurs trucs, leur énergie, etc. Donc c’était la guitare, sur les deux premiers disques, et pour le troisième, j’ai pris la basse. Et j’ai fait des riffs de basse. Pour un peu changer. Et puis t’as plus de groove dans celui-ci. Et là manière dont Fab joue les parties de basse, avec son son à lui, genre dans “Attraction”, je suis fier quoi ! Voilà. Ça part jamais de beat de batterie.

Jamais à partir de jam… ?

KD : Non, enfin on les utilise rarement. Mais pour Third Beat, j’avais une idée de batterie et puis dessus on a rajouté une ligne de basse…

NS : Oui on était à deux… il m’a dit de jouer tel truc à la batterie

KD : Et il a ajouté la basse, puis j’ai mis ma partie de guitare… ça s’est construit comme ça, c’était une jam devant un ordinateur…

NS : Voilà, moi j’ai que des bases à la guitare, donc je peux donner les fondamentales, ce genre de truc. Mais les couleurs, c’est lui qui les apporte. Je compose la base des chansons, mais je m’en sortirais pas tout seul.

La tournée ?

NS : Peu de dates, mais intense. On a une fenêtre de 4 mois [Elliott partant faire le tour du monde en janvier pour un an] donc on va y aller à fond. Ce sera simple, roots.

 

 

A propos Julien Chanet 20 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

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