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    Yser : le duo dont vous n’avez pas fini d’entendre parler

    L’histoire commence presque par accident, en 2017 Pierre et Philippe (batteur) se croisent d’abord dans des soirées entre amis. L’un est acteur, l’autre musicien, et à force de discussions l’envie de faire de la musique ensemble s’impose. À ce moment-là, l’un baignait dans l’électro, l’autre venait du jazz. Ils jamment pendant des heures, des jours, des mois, enregistrent, découpent, recollent les morceaux que l’on entend aujourd’hui.

    Yser, c’est intense, rafraîchissant, beau comme une chanson qu’on n’attendait pas. À l’occasion de la sortie de leur live session, les deux copains ont accepté de nous rencontrer pour parler de leur univers, leurs influences et leurs processus créatif.

    D’où vient le nom du groupe Yser, est-ce unpetit clin d’œil à Bruxelles ?

    Alors, pour le nom, on a longtemps cherché. On a testé plein d’idées, mais rien ne collait vraiment. Puis on avait une chanson qui s’appellera probablement Yser et qui raconte une histoire forte sur le plan émotionnel, liée à un moment vécu près du canal, à côté de la place Yser. Le nom permet aussi d’ancrer notre projet dans Bruxelles. C’était une intention de départ : faire un lien fort avec la ville. Il y a une petite anecdote amusante qui vient renforcer tout cela. On a passé pas mal de grosses soirées dans les bars situés sur la place Yser. Forcément, une fois qu’on a trouvé le nom, plein de raisons se sont mises à émerger naturellement. C’est comme si tout prenait sens après coup. Finalement, cette chanson dont on parlait tout à l’heure, elle marque un vrai point de départ, autant pour le groupe que pour notre univers musical.

    Comment définiriez-vous votre projet pour ceux qui ne vous connaissent pas du tout ? On est un duo électro-rock progressif avec une forte dimension chanson française. Disons plutôt un duo acoustico-électronique : batterie, machines, textures… On voyage entre plusieurs styles, mais ce qui nous lie, c’est l’histoire qu’on raconte à l’intérieur des morceaux. L’idée, c’est vraiment de créer des univers  à travers le texte, la musique, les ambiances, la vidéo aussi. On ne se contente pas de faire de la musique ; on veut porter un récit, un fil narratif qui structure notre démarche artistique.

    © Thomas Léonard

    Sur Bandcamp, vous avez mis des tags comme électro, rock progressif, poésie… mais aussi « rap ». Or, quand on vous écoute, on pense plus à du parlé-chanté ou à du slam. Pourquoi ce choix ?

    (Rires) C’est vrai que le tag “rap” peut surprendre. Disons que Pierre aime beaucoup le rap et rêve secrètement d’être rappeur. Dans la live session, il y a un passage un peu rappé, c’est vrai. On expérimente encore : on est dans une phase où le projet cherche sa forme. Et pour être honnête, le mot “rap” a aussi été utilisé comme un petit coup de pouce algorithmique. Mais au-delà de ça, on est nourris par cette culture, même si nous ne rentrons pas dans les codes classiques du rap. On se situe quelque part entre le slam, le chant, et le phrasé libre. Il faut dire aussi que le mot “rap” est devenu très large aujourd’hui. Entre le rap urbain, le rap poétique, le rap solaire, on peut y mettre beaucoup de nuances. Comme disait une prof de musique : “le rap, c’est juste quand tu parles sur une rythmique”.

    Plus en détail, quelles sont vos influences respectives ?

    Moi (Philippe), j’écoute beaucoup de jazz en ce moment, même si je ne suis pas du tout jazzman dans ma pratique. J’ai commencé par le jazz classique, maintenant je m’oriente vers le free jazz. Ce que j’aime, c’est la liberté que cette musique permet. L’idée qu’une fausse note peut devenir belle si tu l’assumes. John Coltrane est une énorme source d’inspiration. Et puis, à côté de ça, j’ai toujours été très rock. Aujourd’hui encore, j’écoute autant de rock “classique” que de choses plus actuelles.

    Pour moi (Pierre), c’est un mix assez large : Tom Yorke, Moderat, Vitalic, Pink Floyd… Et plus récemment, j’ai découvert Feu! Chatterton, qui m’influence énormément. Parfois même un peu trop : il faut que je me freine pour ne pas tomber dans l’imitation ! Heureusement que Philippe est là pour garder l’équilibre. Je pourrais aussi citer Doechii, que j’ai découvert récemment en rap, et Aurora, qui m’inspire beaucoup par sa douceur. Elle a une manière très juste d’amener l’émotion.

    En parlant d’équilibre, en tant que batteur expérimenté qui a pu jouer dans d’autres groupes, comment tu gères ton rôle ici ?

    (Phillipe) C’est moi qui crée une grande partie de l’univers sonore, même si Pierre a aussi un vrai rôle musical. Moi je suis plus sur l’aspect “musicien live”, la batterie acoustique. Pierre gère la voix, les bandes, les synthés.

    La batterie est le seul instrument acoustique sur scène. Est-ce que ça influence ta manière de jouer ?

    Oui, beaucoup. On travaille beaucoup sur les timbres. On cherche aussi comment la batterie peut s’inscrire dans l’univers sonore global, comment elle peut dialoguer avec les sons électroniques. Et surtout, on veut qu’elle ait une vraie présence. Chaque coup doit être significatif, bien pensé. On veut que ce soit percutant, même si c’est simple.

    Est-ce que vous vous considérez vraiment comme un duo à parts égales ?

    Oui, complètement. Ce n’est pas “un musicien accompagné d’un batteur” ou l’inverse. On fonctionne ensemble. Il y a des moments où la batterie prend même une place centrale, presque mélodique. On essaie de dépasser la vision traditionnelle selon laquelle la batterie serait un simple soutien rythmique.

    Pourquoi avoir choisi une live session de 13 minutes comme première carte de visite ?

    C’était notre manière de présenter le projet. Montrer la diversité du set, donner envie aux gens de nous voir en live ou de nous programmer. C’est un projet émergent, donc on a fait avec les moyens du bord. On voulait aussi montrer le récit, la narration qui traverse nos morceaux. Et ce format live permet ça, avec des transitions naturelles entre les morceaux.

    Quel est le récit que vous avez voulu transmettre ?

    Le fil conducteur, c’est l’idée d’introspection et de remise en question des certitudes. Dans la deuxième partie (pas encore publiée), on bascule vraiment là-dedans : au lieu de parler des autres, je me suis dit « Tiens, je vais plonger en moi ». C’est une exploration de comment nos certitudes peuvent nuire, surtout quand on perçoit le monde uniquement à travers notre propre prisme, sans écouter le vivant autour. Il y a un parallèle entre vieillesse et idées figées – pas que les personnes âgées ont toutes des idées arrêtées, mais c’est une image. À quel moment suis-je moi-même devenu ce « vieux peintre » ? Et comment je peux réapprendre à écouter ?

    Et pour l’avenir d’Yser, à 5, 10, 15 ans, quels sont vos espoirs ?

    Dans 5 ans, on aimerait jouer sur des scènes où l’infrastructure permet de vraiment porter le projet comme on le rêve. Ce n’est pas une question de taille, il y a de petites scènes magnifiques, mais on veut des lieux qui permettent un son et une scénographie à la hauteur de notre travail. On rêve de festivals comme Dour. Et dans 10 ou 15 ans, c’est difficile à dire, mais si on continue à avoir envie, à créer, à se nourrir mutuellement, alors on verra jusqu’où cette histoire peut aller.

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