Titre : La bouche pleine
Auteur.ice.s : Rose Brunel
Edition : La Musardine
Date de parution : 30 avril 2025
Genre du livre : Roman
Dans La bouche pleine de Rose Brunel, Iris est embêtée (pour le dire poliment). Son père veut lui couper les vivres. Pour elle qui vit à Paris, c’est un coup dur. Une option demeure, le chantage du paternel : qu’elle entre dans une prestigieuse école de cuisine pour une année d’études culinaires suivre les cours de la cheffe Hélène Hallier, multi récompensée au guide Michelin. Cela lui permettrait de vivre, à travers sa fille, le rêve qu’il n’a pas osé suivre. Iris démarre sa formation en même temps qu’elle débute une relation torride avec deux camarades de classe, Zoé et Joaquim, centrée sur le sexe.
Si ce résumé est conforme à l’histoire racontée dans La bouche pleine, il est en même temps mensonger. Car le sexe n’y occupe qu’une petite place par rapport à celle qu’il tient dans le livre. La bouche pleine n’en fait pas un secret, bouquin paru aux éditions La Musardine et réservé aux adultes. On ne parle pas d’érotisme gentil mais de pornographie culinaire. Le roman est boursouflé de sexe, moteur principal (du désir) des personnages avec la cuisine. Et on sait bien que sexe et bouffe font bon ménage.
Dans toutes les positions imaginables, avec pénétrations, sans ou en les doublant, avec les doigts, la bouche, attachées ou non, combinant sexe, lèche et nourriture ou introduisant des matières mangeables ou des godes simples un peu partout, comme vous pouvez le voir, la personne désireuse de lire du sexe explicite sera comblée. Peut-être même un peu de trop. Le sexe entre trois personnes, à force d’avoir tous les détails, n’en devient que limité par les possibilités que les corps peuvent permettent, et l’excitation (si jamais elle surgit), peut vite s’éteindre.
Comme dans tout film pornographique, l’autrice (et le lecteur/la lectrice ?) s’intéresse plus à l’action sexuelle qu’aux alentours. Il n’y a aucun jeu sur le manque, la frustration, l’envie, la honte, le fantasme. Sur ce qui fait tout le sexe, peut-être. À peine existe-t-il un petit lien de pouvoir, Joachim n’étant habilité qu’à obéir aux ordres des deux femmes. Les relations extra sexuelles entre les trois protagonistes sont inexistantes sauf à la toute fin, un peu tard d’un point de vue narratif. Ce sont trois jeunes en pleine force de l’âge qui comblent tous les trous qu’il et elles peuvent, le plus possible, sans se soucier d’autres choses et sans qu’il n’y ait débat. Au final, c’est comme un plan cul avec qui, une fois l’orgasme ou l’éjaculation passée, on n’a plus rien à dire, juste l’envie de rentrer chez soi.
Alors si vous voulez du porno littéraire, La bouche pleine est fait pour vous. Pour les autres, cela dépendra de vos goûts. Rose Brunel utilise tous les synonymes possibles pour évoquer le sexe, les sexes, mêmes des mots anciens (con, chibre, braquemarts, etc.) qui ne paraissent pas nécessaires. Comme pour Rouge humide, le deuxième livre de l’autrice, aucune référence aux maladies sexuellement transmissibles ou à la protection contre une grossesse éventuelle. Les jeux de pouvoir sexuels, qu’elle aurait pu mettre en place notamment entre la cheffe étoilée et Iris, qui vont avoir leur moment à elles dans un lit, ne sont pas du tout exploités, ni même d’ailleurs le chantage du père, qu’Iris accepte plus ou moins sans broncher.
En attendant, Rose Brunel, comme dans son autre livre mais en étant plus explicite, s’intéresse à un sexe autre qui n’est pas pénis-centré. La pénétration n’est pas l’alpha et l’oméga, même si elle procure de nombreux plaisirs. Les femmes aiment le sexe, le sexe entre elles, elles dégustent leurs corps, le savourent, l’empoignent et se touchent. Elles peuvent même se décrire comme de vraies salopes avec honneur et fierté. Elles sont ouvertes aux possibilités, aux corps et leurs mouilles. L’homme devient un objet à éduquer et à utiliser comme un gode muni de nervures où le sang durcit jusqu’à plus soif. Et même quand la soif n’est plus là, il restera toujours un coin de peau à lécher d’un regard avide.