Un Grand Amour, un monologue au-delà des mots

De Nicole Malinconi, mise en scène de Jean-Claude Berutti, avec Janine Godinas. Crédit photo Virginie Lançon. Du 23 avril au 12 mai 2019 au Rideau de Bruxelles en résidence au Théâtre des Martyrs.

« La vérité est une chose terrible, trop terrible parfois pour que nous puissions vivre avec »

Portée à la scène à de nombreuses reprises en 2017, Un Grand Amour revient sur les planches une nouvelle fois en 2019 par le biais du Rideau de Bruxelles au Théâtre des Martyrs. Une pièce qui n’aura de cesse d’interpeller les publics !

Le spectacle aborde le sujet sensible de la Shoa au travers du personnage de Térésa Stangl, femme de l’ex-commandant du camp d’extermination de Treblinka Franz Stangl. Pendant un peu plus d’une heure, elle nous raconte, ou plutôt essaye de nous raconter « sa vérité ». De mettre des mots sur l’indicible. De nous expliquer pourquoi son amour pour son mari a pris le dessus sur l’évidence de l’horreur qu’elle côtoyait chaque jour. Pourquoi ne l’a-t-elle pas quitté quand elle s’est rendue compte de ce qui se passait ? Et quelle était sa responsabilité à elle face aux événements ? Des questions menant à une vérité trop douloureuse. Une vérité que l’amour ne lui permettra peut-être jamais de regarder en face.

Arriver à rendre la puissance de ce texte et surtout de ce qu’il ne dit pas n’était pas un pari gagné d’avance. Mettre en scène un tel sujet par un positionnement qui ne se voulait ni du côté du bourreau ni de la victime non plus. Et pourtant l’équipe artistique y est arrivée et de loin. Nous nous retrouvons face à Janine Godinas, une comédienne de grand talent, qui a su porter en elle la force et le désarroi du personnage de Térésa. Qui a su combler ce que les mots ne pouvaient arriver à dire par son langage corporel et ses intonations nuancées. Elle a sur faire résonner l’échos du silence assez fort pour qu’il atteigne notre sensibilité au-delà du langage. Un jeu calibré que l’on ne peut qu’admirer.

Cette performance remarquable, mise en scène par Jean-Claude Berutti, vient s’imbriquer dans un décor revêtant en quelque sorte l’aspect d’un confessionnal. A cette ambiance calfeutrée s’ajoute un miroir pouvant faire écho à la fois aux regards que Térésa a sur sa vie, mais qui interpelle aussi directement le spectateur qui peut y voir son reflet. Une scénographie qui épouse à merveille la dramaturgie de la pièce.

Ce spectacle nous rappelle quelque unes des forces que le théâtre porte en lui. Celles de partager, d’éveiller les consciences et de poser des questions sans imposer de réponse. Une véritable perle théâtrale du Rideau de Bruxelles à voir du 23/04 au 12/05 au Théâtre des Martyrs.