« Terre déchue », un endroit dans lequel on n’a pas trop envie de mettre les pieds…

Titre : Terre déchue
Auteur : Patrick Flanery
Editions : J’ai Lu
Date de parution : 1er septembre 2021
Genre : Roman

Il était une fois, une famille qui s’était installée dans une villa d’un lotissement conçu par un entrepreneur idéaliste. Imaginez-vous des maisons proprettes d’une banlieue résidentielle digne d’un film de Tim Burton où règne l’esprit de communauté et de partage, où tout le monde a un sourire plus blanc que blanc et est niaisement heureux. Mais voici pourquoi l’histoire dérape et est loin d’être un conte de fée… Tout d’abord, le terrain sur lequel a été bâti ce lotissement a été par le passé le théâtre de crimes racistes. Mauvais début !

Ensuite, l’entrepreneur, Paul Krovic, en faillite depuis une crise économique et des erreurs de jugement, voit sa tête mise à prix par ses nombreux créanciers. Devenu légèrement taré et survivaliste, il s’est terré dans un bunker secret qui communique avec son ancienne maison au sein du lotissement. Il a ainsi tout le loisir d’échafauder dans l’ombre un plan machiavélique pour faire déguerpir les nouveaux occupants, la famille Noailles, dans le but de récupérer sa maison. Et enfin, les habitants en question, Nathaniel, Julia et leur fils Copley, qui pour leur part, sont une famille tout ce qu’il y a de plus normal en apparence, mais dont les comportements dysfonctionnels empirent au fur et à mesure que le projet de ce fourbe de Paul prend forme.

C’est par le biais de cette brochette de personnages pas tout nets que Patrick Flanery nous entraîne dans une histoire atypique. Car s’il est une question à laquelle il est difficile de répondre, c’est bien celle-ci : comment définir ce roman ? Il commence par un volet historique ségrégationniste, tend vers le roman contemporain social tout en maintenant des allures de thriller. Cet ouvrage a le mérite de fédérer de nombreux lecteurs ! Et même si l’on est d’abord désarçonné quant à la complexité à le faire rentrer dans une case, on se laisse mener par le bout du nez par cet auteur qui a plus d’un tour dans sa plume.

Si l’aspect thriller est bien présent, notamment pour son ambiance assez flippante, il n’est qu’un prétexte pour critiquer un système sociétal abusif. Patrick Flanery nous dépeint un monde assez sombre dont la logique implacable a abandonné depuis un bail les notions de tolérance et d’humanité.

A un niveau plus intime, l’auteur se penche également sur les dérives au sein du microcosme de la famille. Il suffit qu’un élément perturbateur vienne gripper la machine, à savoir le vilain Krovic qui fait tout ce qu’il peut pour effrayer anonymement les Noailles, pour que les petits travers des uns et des autres deviennent invivables et finissent par révéler la nature de chacun. Et quand ça éclate, ce n’est pas joli joli.

Au final, Terre déchue démontre que Patrick Flanery est un fin observateur de son époque qui possède également le don de disséquer subtilement les mécanismes humains. Et on ne peut être qu’admiratifs de son travail, qui, sous le couvert de la fiction en dit long sur les Hommes et leur folie ordinaire. Effrayant, mais diablement réussi…