Seules les bêtes, protéiforme et déceptif

Seules les bêtes
de Dominik Moll
Thriller, drame
Avec Denis Ménochet, Laure Calamy, Damien Bonnard, Guy Roger N’drin, Nadia Tereszkiewicz
Sorti le 1er janvier 2020

Au sein des paysages des Causses, dans la campagne française, la disparition d’une femme se retrouve en toile de fond d’un récit choral dans lequel les hasards et les incompréhensions mèneront vers un dénouement à mille lieues de là, à la fois narrativement et géographiquement. Il est très difficile de résumer autrement, sans en déflorer l’intrigue et l’essence, le nouveau film de Dominik Moll (Harry un ami qui vous veut du bien, Lemming, Le Moine), lequel affiche clairement l’ambition avec Seules les bêtes d’ouvrir son cinéma à de nouveaux horizons, dans tous les sens du terme.

Arborant une construction en chapitres définis chacun selon un personnage et son point de vue, le film se montre profondément déceptif, précisément par le choix de cette construction. Si les deux premières parties semblent promettre un film noir en milieu rural et que la seconde ouvre même la porte à une interprétation métaphysique à tendance morbide, les chapitres suivants – notamment une troisième partie en forme de drame bourgeois et une dernière partie africaine cédant légèrement aux sirènes d’un « cinéma du monde » coup-de-poing et moralisateur – ne peuvent que décevoir les espoirs d’un spectateur intrigué par ce qui avait été préalablement mis en place.

Paradoxalement, c’est de cette construction protéiforme que Seules les bêtes tire aussi sa plus belle idée ainsi que sa singularité : cette volonté de proposer à chaque chapitre, chaque point de vue, un nouveau film, charriant un nouveau genre cinématographique. Malheureusement, cette belle ambition finit par donner l’impression d’avoir affaire à un Babel à la française, une espèce de pensum mal dégrossi, à la fois naïf et misanthrope. Subsistent malgré tout encore quelques petites bizarreries émergeant de cette mécanique trop bien huilée pour être honnête, notamment même dans les toutes dernières minutes du film, lors desquelles l’étrangeté qui semblait affleurer lors de la seconde partie du film refait surface de manière aussi inattendue que fugace.