Seul contre Osbourne de Joey Goebel

Seul contre Osbourne

auteur : Joey Goebel
édition : Héloïse d’Ormesson
sortie : mai 2015
genre : roman anthropologique

Pour son quatrième roman, le jeune écrivain américain Joey Goebel creuse ce qui semble être son thème de prédilection, les affres de l’Amérique profonde et les dérives souterraines d’une société puritaine et conservatrice. Dans Seul contre Osbourne, c’est à travers le microcosme d’un lycée américain typique qu’il fait une radioscopie satirique du comportement de ses contemporains.

À la fin des années 90, les élèves du lycée Osbourne font leur rentrée au lendemain du traditionnel Spring Break. Parmi eux, James Weinbach – dont le père est fraîchement décédé – regarde ses congénères d’un œil cynique et désabusé, atterré par leur manière de se comporter entre eux.

Constatant que la fille qu’il convoite a bien changé durant les vacances et après s’être fait critiquer sur son style d’écriture dans un cours de littérature, James trouve le moyen de faire chanter son principal afin de le contraindre à annuler le bal de fin d’année. Seul contre tous, James va vivre l’une des journées les plus éprouvantes de sa vie.

Déroulant l’action de son roman sur une seule journée, de l’arrivée de James au lycée jusqu’à son départ, Goebel s’assure une construction narrative idéale, permettant une montée en puissance, à mesure que les plans du héros se dessinent et que sa confrontation avec les autres élèves – le reste du monde – se profile. Mais cela lui laisse également le champ libre pour développer toute la pensée de James – et peut-être la sienne également – sur son entourage scolaire et la société américaine dans sa globalité, à mesure qu’il voit évoluer les élèves lors de cette journée particulière.

Le style de Goebel et son ton extrêmement cynique font mouche car ils semblent exorciser toute la frustration d’une frange de la population américaine – que ce soit celle d’un lycée, d’une petite ville du Kentucky, ou de la nation entière – qui se sent obligée d’être intégrée au mouvement globale d’une société aseptisée, tout en en étant parfaitement étrangère. Que l’on adhère ou pas aux diatribes intérieures de James sur ce dont il est témoin, on ne peut que trouver jouissive la façon dont il décortique et démonte une manière de vivre nourrie par les clichés et les règles de la société de consommation. Le fait que l’action se situe en 1999 place également le roman dans une position rétrospective des plus intéressantes, puisqu’il observe avec le recul une société américaine qui attend innocemment le passage à l’an 2000, avant le choc du 11 septembre 2001 et la prise de conscience qui en a découlé.

Malheureusement, la promesse d’un texte subversif et d’une peinture au vitriol de l’Amérique puritaine n’est pas vraiment tenue jusqu’au bout. D’abord parce que le style de Goebel – à la première personne –, entrecoupé de longs dialogues tout en explications et en règlements de comptes, finit par lasser. Ensuite parce que la rébellion initiale du héros en vient à être diluée dans une espèce de thérapie de groupe aux accents presque sentimentalistes et que ce qui est vivement critiqué dans un premier temps finit par être assimilé et justifié.

Dans un final assez ambigu, l’auteur comme son personnage principal semblent se résigner à accepter ce qui les dérange dans cette société qu’ils critiquent. Seul contre Osbourne prônerait donc la résilience plus que la rébellion. Alors que la littérature, comme de nombreux arts, permet d’aller jusqu’au bout d’un fantasme, de rendre possible des idéaux, Goebel finit par se ranger du côté du pragmatisme et de l’air du temps, niant donc par là ce qu’il semblait vouloir dire en  entamant un roman prétendument subversif.

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