S’enfuir, récit d’un otage

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Scénario & dessin : Guy Delisle
Editions : Dargaud
Sortie : le 16 septembre 2016
Genre : Roman graphique

S’enfuir, récit d’un otage de Guy Delisle, auteur bien connu pour ses BD reportages sous forme de récits de voyage, restitue remarquablement la malencontreuse expérience d’un employé d’une ONG, kidnappé dans le Caucase en 1997. Avec ce nouvel album, le bédéiste canadien met en images le témoignage pour le moins singulier et fort de Christophe André, resté 111 jours en captivité avant d’avoir réussi à prendre la fuite et à échapper à ses ravisseurs.

C’était sa première mission dans l’humanitaire. C’était également sa première nuit seul dans un logement réservé aux collaborateurs de l’ONG. Quand ils ont pénétré dans sa chambre, Christophe André a tout de suite pensé à des voleurs. Ils venaient très certainement vider le coffre-fort bien fourni à l’approche du jour de paye de toute l’équipe. En tant qu’administrateur, il avait d’ailleurs la clé du coffre dans sa poche. Mais après avoir été obligé de traverser un checkpoint et une porte d’écluse, il a bien dû se rendre à l’évidence : ses ravisseurs étaient venus pour lui. Dans l’impossibilité de communiquer avec eux, il s’est très vite retrouvé menotté à un radiateur dans une pièce vide avec une fenêtre obstruée. Et les heures, puis les jours ont commencé à défiler… Entre les repas frugaux (une soupe et du thé) et les moments de repos, les distractions n’ont vraiment pas été légion pour lui.

Guy Delisle remonte le fil de ces journées d’indigence vécues dans des conditions extrêmes. Au fil des 400 pages, il réussit une gageure : dépeindre le supplice de l’attente tout en maintenant une certaine tension dramatique. Pour ce faire, l’auteur canadien a varié le plus possible les angles de vue afin de tromper la monotonie du quotidien. Car même s’il y a bien quelques rebondissements ici et là, il faut bien admettre que le ressassement fait inexorablement partie du récit.

Lors de sa détention, Christophe André regardait passer les jours dans un mélange de révolte, d’espoir et de doutes. Face au temps qui passait, il voyait ses certitudes se lézarder. Il se posait des questions douloureuses sur la durée de sa captivité. Il imaginait la réaction de ses proches et ne cessait d’échafauder des moyens de fuir. Chaque jour, il imprimait mentalement la date du jour qui se levait pour ne pas perdre pied. Et pour tuer le temps, il s’efforçait de rester chevillé à sa passion (la reconstitution imaginaire des batailles napoléoniennes). En racontant par le menu les pensées de l’otage français, Guy Delisle est parvenu à recréer le paysage mental de celui-ci. Et c’est bien entendu ce qui donne toute la force au récit.

Les albums de Guy Delisle nous ouvrent très souvent des fenêtres sur le monde ; ils sont en prise direct avec l’actualité ou l’histoire de notre monde contemporain. Ce dernier album ne déroge pas à la règle même s’il développe une approche plus intimiste qu’informative. Malgré la gravité de la situation, on retrouve avec bonheur l’humour bien particulier de l’auteur canadien qui apporte quelques touches de légèreté à l’histoire personnelle de Christophe André.

En bref, S’enfuir est une belle réussite et s’annonce déjà comme un des romans graphiques incontournables de cette rentrée littéraire.

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