Projet palais, un centenaire : complexité esthétique et travail d’archive à BOZAR

Hall Horta, Palais des Beaux-Arts, Bruxelles. Exposition inaugurale, 4 mai 1928 © Bozar Archives

Quand la prospérité matérielle rencontre la lunatique esthétique dans un lieu culturel phare de la métropole, cela créé un bouillonnement de questionnements, relatifs tant au passé qu’au présent. Bannissant les frises chronologiques et décloisonnant les disciplines, l’exposition Projet Palais à BOZAR permet de mettre en exergue la nécessité de sans cesse revisiter les objectifs d’une institution culturelle.

L’anniversaire d’un lieu emblématique

L’exposition est abordée à la manière d’un évènement, d’une étape qu’il convient de marquer dans un espace emblématique à Bruxelles. Pas d’anniversaire sans chanson, et c’est la chanteuse et compositrice Lynn Cassier qui se charge d’écrire Pocket Anthem For A Palace, une partition ouverte, c’est-à-dire sans mélodie. Chaque musicien est ainsi libre de l’interpréter selon son inspiration musicale. C’est l’atmosphère fin de fête que Liam Gillick choisit d’investir avec Lax Discussion Structure en nettoyant “salement” les marches du Palais des Beaux-Arts avec de la javel pailletée, un geste à la fois festif et ironique. Au niveau scénographique, les cartels sont associés à une couleur, au goût des intervenants, ce coloris créait un liant avec les textes du livret et les œuvres.

Lynn Cassiers, Pocket Anthem for a Palace I, 2022.
Lynn Cassiers, Pocket Anthem for a Palace I, 2022.

Un parcours fragmenté

Gillick s’empare de plusieurs histoires connectées au Palais avec sa pièce A Max De Vos, un générique éternel. Il pointe ainsi du doigt l’impossibilité d’établir une liste de toutes les personnes ayant contribué à son envergure. Un coup de dés, jamais n’abolira le hasard reflète le prisme de Stéphane Mallarmé. C’est aussi cette dimension accidentelle qu’Annaïk Pitteloud qu’exploire en abolissant les frontières entre œuvres d’art et gadgets ludiques. Ses gommes, vendues à la boutique du musée, sont les pièces d’une nature morte miniature. Elles conversent avec la peinture Nature Morte de Jane Graverol de 1932. L’occasion également de remettre les femmes artistes sur le devant de la scène.

Annaïk Lou Pitteloud, Postcard, 2022.
Annaïk Lou Pitteloud, Postcard, 2022.

La scénographie décousue rejoint l’idée de ne pas investir l’espace sous une forme didactique. C’est au visiteur qu’il revient de saisir chaque élément, mineur ou majeur, et de constituer son fil narratif. Une partition de musique, une noix, ou une gravure aborigène, viennent nourrir sa réflexion et sa vision des lieux. Cet effet de démantèlement illustre celui par lequel la structure est passée, sous la vision idéaliste de nombreux architectes comme Victor Horta – qui donne son nom au hall – ou Lucien-Jacques Baucher. L’aspect matériel est d’ailleurs abordé par Lara Almarcegui qui calcule le poids de l’intégralité des matériaux qui ont été utilisés pendant la construction du Palais. Ce défi matériel doit être pensé en parallèle aux manifestations esthétiques que le lieu voit naître.

Institutions culturelles et politiques

L’approche transversale de Jeremiah Days questionne l’influence des monuments dans l’espace public et le débat politique avec Proposal To Move Into Public Space The Memorial For The Person Who Said Long Live The Republic And Was Shot To Death For It Apparently. Dans cet esprit, Julien Lahaut, activiste anticommuniste, pourrait être célébré, à la place du colonisateur Léopold II. Cet élan contestataire est confronté aux photographies de Guy Mees, artiste qui s’intéresse aux espaces perdus et aux questions de sérialité et de standardisation. Une démarche réflexive qui a son importance dans la conception d’une fondation à la haute influence.

Guy Mees, Portretten (Niveauverschillen), 1970. Gallery Sofie Van de Velde.
Guy Mees, Portretten (Niveauverschillen), 1970. Gallery Sofie Van de Velde.

Le plan du projet Le Grand Congo est là pour rappeler que le dialogue des cultures tend toujours à sortir de sa paralysie. Une collaboration culturelle autre que hiérarchique est amorcée grâce à l’art, mais reste en devenir. L’exposition d’objets ethnographiques permet d’entrevoir l’espoir d’aborder l’art africain sous un angle autonome et non pas sous une éternelle tutelle occidentale. Sammy Baloji, photographe contemporain, choisit d’investir les lieux avec une peinture murale réalisée par des peintres congolais, un voyage visuel qui réveille des souvenirs du théâtre de Lubumbashi. Provenant de pays divers, les intervenants n’ont pas la même vision sur le passé colonial, ce caractère cosmopolite rend la question complexe et ductile.

La diversité de l’héritage intellectuel évoqué par les œuvres souligne les variations logiques et illogiques d’un lieu culturel unique qui accueille des propositions artistiques multiples. Protéiforme donc, la culture doit sans cesse confronter différentes disciplines et s’adapter au caractère imprévisible de l’actualité. L’installation curatoriale s’organise autour d’un espace à l’historique riche qu’il est difficile de résumer dans son intégralité. Comme l’indique la citation qui domine la galerie Ravenstein : « La poésie doit être faite pas tous et partout ». Toutefois, il reste difficile pour les grandes insitutions culturelles de s’ouvrir à un public hétérogène. Projet Palais, aux œuvres riches et originales, nécessite une réelle envie de connaître le projet BOZAR car les références peuvent parfois paraître absconses.

Infos pratiques

  • Où ? BOZAR, Rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles.
  • Quand ? Du 1er avril au 21 juillet 2022, du mardi au dimanche de 10h à 18h.
  • Combien ? 10 EUR au tarif plein. Tarifs réduits possibles.